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Synthèse des participants au dialogue national

Togo -
 Il y a un peu plus d’un mois, le 21 avril 2006, que la mouvance présidentielle a entamé un dialogue avec son opposition et deux associations de la société civile. Ce dialogue qui devait durer deux semaines se poursuit et devrait s’achever mercredi 24 mai 2006 par la signature d’un accord politique ou sur le constat de désaccords. Aux dires du Président du Bureau du Dialogue, après la phase de « grand balayage », les travaux sont entrés dans une phase de recherche de consensus. Cette phase a débuté le 17 mai dernier. Est-on près d’aboutir au succès ? Les divergences profondes qui sont apparues lors de la première phase ont-elles disparu ? Où en est-on exactement ? Comment se déroulent les travaux de cette deuxième phase ?

En effet, douze points étaient inscrits à l’ordre du jour de ce Dialogue national.

Sur le cadre électoral, les débats ont porté sur 11 thèmes, à savoir la CENI, les conditions d’éligibilité, le mode de scrutin, le découpage électoral, le recensement électoral, le vote des militaires, les observateurs(nationaux, internationaux civils et militaires), les forces de sécurité et observateurs militaires étrangers, le montant du cautionnement, la réforme de la Cour Constitutionnelle, la question du contentieux électoral, aucun accord n’a été obtenu.
Deux lignes de fracture sont apparues : la mouvance présidentielle et le REFAMPT ont fermement et avec arrogance défendu le statut quo. En revanche, le CAR, la CDPA, l’UFC, le GF2D avaient des positions similaires. Cependant, sur le recensement électoral, un consensus partiel a été dégagé, mais les modalités de la mise en œuvre de ce recensement restent à préciser. Ce point est d’importance, car le gouvernement veut financer le recensement. Ce qui est un indice de sa volonté de tripatouillage.

A propos des réfugiés et des personnes déplacées, toutes les parties au Dialogue ont reconnu la nécessité de tout mettre en œuvre pour favoriser le retour et la réinsertion des réfugiés et personnes déplacées. Cependant, l’opposition estime dans son ensemble que leur retour dépend des conclusions du dialogue et de l’instauration d’un réel climat de confiance dans le pays.
Concernant les réformes institutionnelles autres que celles examinées au point 1 du Dialogue, le Bureau du Dialogue note dans ses conclusions trois courants de point de vue :
- « un premier courant qui estime que le Dialogue devrait se limiter aux réformes institutionnelles qui n’induisent pas de modification d’ordre constitutionnelle tout en admettant que des réflexions impliquant de telles modifications puissent être émises en guise d’orientation pour le futur »
- un second courant a soutenu qu’il soit procédé à la suppression de toutes les modifications apportées à la Constitution d’Octobre 1992
- une troisième tendance estime qu’il y a lieu de procéder aux retouches constitutionnelles qui sont de nature à permettre des élections législatives libres, transparentes et équitables et que, s’agissant des réformes institutionnelles portant sur l’ensemble de la Constitution il serait nécessaire de convier le gouvernement à former à l’issue du Dialogue de procéder à une étude approfondie dont les conclusions seront prises en compte le moment venu. »

Toutefois, ce que ne reflète pas du tout cette synthèse préliminaire des débats faite par le Bureau, c’est le contenu et la substance des positions exprimées par les délégations. En clair, au sujet des réformes institutionnelles, un camp propose une harmonisation des textes constitutionnels avec la loi électorale notamment sur les mesures discriminatoires, une réforme de la Cour Constitutionnelle, une recomposition de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication(HAAC), une restitution des pouvoirs du Premier ministre et de l’Assemblée nationale, la Suppression du Sénat, ou un changement du mode de désignation de ses membres.
En opposition à ces positions, la mouvance présidentielle exclut toute modification en invoquant un pragmatisme et en laissant le soin de ces modifications à la future Assemblée.

Autre sujet sensible abordé par les participants, la réforme de l’armée et des autres forces de sécurité. Un courant majeur amené par l’UFC préconise une réforme de l’armée en trois temps. Elle se décline de la manière suivante :
Sur le court terme,
- il importe de redéfinir la mission de l’armée avec décision de sa non immixtion dans le débat politique
- la mise en place d’une autorité nationale de sécurité
- l’élaboration de nouveaux statuts pour une armée républicaine
- la mise en œuvre d’une véritable politique de sécurité avec la création de corps spécialisés dans la police et la gendarmerie
- la création d’une force autonome de protection des Institutions
- la restructuration des forces de sécurité( police et gendarmerie) placées sous l’autorité du Ministre de l’intérieur avec des directions civiles et des commandements par un officier de chaque corps. Le but étant de garantir la sécurité des populations.
- La mise en place d’une véritable structure d’une Inspection générale des armées
- La mise en place d’une véritable structure d’une Inspection générale de la Police.
- La mise en place d’une véritable structure d’une Inspection générale de la gendarmerie
- La sécurisation des élections : création d’une force autonome et démantèlement des milices.
A moyen et long terme, il importe d’indiquer les séquences de mise en œuvre par le gouvernement d’Union nationale et celui issu des élections législatives. Enfin, confier l’expertise à l’ONU et l’UE pour étude, financement et réalisation en associant les militaires eux-mêmes, les experts nationaux et internationaux.
La mouvance présidentielle pour sa part a estimé qu’il est nécessaire que des efforts soient déployés pour exhorter les partis à s’abstenir de tout ce qui peut être perçu comme des provocations à l’égard des forces de sécurité, et pour œuvrer à une confiance réciproque entre ces dernières et la population.

Abordant, la question de l’impunité, l’opposition dans son ensemble a proposé, conformément aux recommandations de la mission de vérification des faits de l’ONU, la mise en place d’une Commission d’identification des auteurs, des commanditaires et des complices des actes de violence de la dernière période électorale. Ainsi que la mise en place d’une structure pour engager une procédure Vérité-Justice- Réconciliation, réparations, dédommagement, indemnisation des victimes.

Plus consensuel, le Bureau du Dialogue résume en 3 points les problématiques défendues par les participants :
- s’agit-il de tourner la page pour ne pas réveiller les vieux démons ?
- est-ce pour que la lumière soit faite sur les actes répréhensibles et la traduction en justice des auteurs présumés ?
- est-ce pour établir la vérité au sujet de la responsabilité de ces actes par d’autres voies dans un souci de pardon et de réconciliation ?
Le document de synthèse élaboré par le Bureau distingue sans en désigner les tenants, quatre tendances dans les réponses à apporter à la question de l’impunité :
- certaines délégations ont privilégié la recherche de la vérité par des poursuites judiciaires, en mettant un accent tout particulier sur les actes de violence qui ont émaillé le scrutin présidentiel d’avril 2005. Elles ont rappelé que le gouvernement togolais s’est engagé vis-à-vis de l’Union européenne « de faire poursuivre, par des mesures juridiques ou disciplinaires les auteurs avérés des exécutions extrajudiciaires, des actes de torture et de traitements dégradants et inhumains »(engagement 2-6)
- d’autres délégations, tout en marquant leur adhésion à cette orientation, ont soutenu que la justice doit s’étendre à toutes les violences récentes ou lointaines sans que les auteurs puissent s’abriter derrière des considérations d’ordre formel telles que la prescription ou l’amnistie des faits(ndlr :position défendue par le RPT)
- un troisième courant a davantage mis l’accent sur les voies et moyens qui peuvent permettre de parvenir à la fois à la manifestation de la vérité et des objectifs de pardon, de réconciliation et d’apaisement. Dans cette perspective, les tenants de ce courant proposent que a°) les Nations Unies soient conviés à compléter la précédente mission d’établissement des faits par la mise en place d’une mission d’identification des auteurs de ces faits ; b°) que sur la base des rapports des deux missions des Nations Unies et du rapport de la Commission Nationale Spéciale d’Enquête Indépendante, une Commission « Vérité-Réconciliation » soit créée.
- Une quatrième tendance a tenu à souligner que l’impunité au Togo est un phénomène complexe dont la solution requiert non seulement des mesures de vérification des faits allégués et de réconciliation, mais aussi un usage valorisant et diversifié des ressources humaines de tous bords…

Au sujet du financement des partis, selon le document de synthèse, on apprend que « toutes les délégations ont approuvé l’idée que l’Etat apporte une aide financière aux frais de fonctionnement et des activités des partis politiques. Il a été rappelé à ce propos que la loi n° 91-4 du 12 avril 1991 et l’alinéa 2 de son article 18 dispose que « les partis politiques bénéficient…d’une aide financière de l’Etat. Cette aide est attribuée aux partis ayant recueilli au moins 5% des suffrages sur le plan national aux élections législatives
Il reste à définir les modalités d’application de ce texte. Les délégations ont en outre admis que soit accordée aux formations politiques dont les élus aux élections législatives et locales comporteraient un minimum de femmes à définir un bonus proportionnel au nombre de femmes élues ;»

Le point 6 de l’ordre du jour, à savoir, l’évaluation des 22 engagements a mis en relief des divergences profondes d’appréciation su leur mise en oeuvre. Dans une déclaration lue et distribuée aux participants, l’UFC estime que le problème fondamental du Togo est le refus de l’alternance politique. C’est à l’épreuve des faits et non sur les déclarations d’intention qu’il faut vérifier la sincérité du gouvernement. En conséquence, c’est par rapport à l’attitude du pouvoir face à cette question qu’il faut évaluer la mise en œuvre des 22 engagements. Or, en situation, lors de la vacance du pouvoir en 2005, le régime a massivement violé les droits de l’homme et les principes démocratiques, alors que les 22 engagements ont été pris pour mettre fin à ces violations répétées relevées par l’Union européenne. Il y a donc lieu de conclure à un échec de l’application des 22 engagements.

Dans son rapport de synthèse, le Bureau du Dialogue affirme que la « délégation du gouvernement a, dans un exposé introductif des débats, présenté un rapport d’où il ressort
- que le gouvernement a déjà exécuté seize des 22 engagements (engagement 1-2 ; 1-4 ; 2-1 ; 2-2- ; 2-3 ; 2-4 ; 2-5 ; 2-6 ; 3-1 ; 3-2 ; 3-3 ; 3-4 ; 3-5 ; 3-6 ;4-1 ;4-2)
- que trois engagements sont en cours de réalisation, au cours du présent dialogue (engagement 1-1 ; 1-3 ; 2-6)
- que la mise en œuvre des trois engagements (1-5 ; 1-6 ; 1-7) n’a pu démarrer pour des raisons d’attente de la réalisation des engagements 1-1 et 1-3 et pour d’autres contraintes.

De même, a-t-on noté des désaccords profonds lors de l’évocation du règlement du contentieux du scrutin présidentiel d’avril 2005(point 8 de l’ordre du jour). Les discussions ont été plus que houleuses. Ouvrant les débats, L’Union des Forces de Changement (UFC) a déclaré que « l’actuel chef de l’Etat M. Faure Gnassingbé n’a pas remporté l’élection présidentielle du 24 avril 2005. Cette élection fut une opération visant à lui permettre de reprendre le pouvoir d’une manière plus tolérable, plus supportable que celle du coup d’Etat du 5 février 2005.
Le processus qui a conduit à la mascarade du 24 avril 2005 n’a été qu’une accumulation de graves irrégularités destinées à produire les résultats falsifiés que nous connaissons.

Le coup d’Etat militaire du 5 février 2005 ayant suscité la réprobation unanime de la communauté internationale, l’élection présidentielle du 24 avril 2005 fut un simulacre orchestré par la communauté internationale, exécuté par la CEDEAO, et destiné à permettre au bénéficiaire de ce coup d’Etat militaire de reprendre le pouvoir qu’il avait momentanément quitté le 25 février 2005.
L’actuel chef de l’Etat est en conséquence, comme son prédécesseur après les élections présidentielles de 1993, 1998 et 2003, un chef d’Etat mal élu issu d’un coup de force électoral. Il n’est chef d’Etat que parce qu’une Cour Constitutionnelle félon, l’a proclamé comme tel. Son pouvoir qui ne procède pas de la volonté populaire, est illégitime. Le dialogue devrait en tirer toutes les conséquences.
Pour l’UFC, on ne peut continuer dans la logique des coups de force électoraux et persister à vouloir régler les contentieux des élections présidentielles par l’organisation d’élections législatives. Ceci encourage les coups de force. Le règlement du contentieux de l’élection présidentielle du 24 avril 2005 passe par l’Accord politique qui sera issu du dialogue. Après avoir créé les conditions de la tenue d’élections libres, honnêtes et sans exclusion, le dialogue doit :
- Etablir un calendrier pour l’organisation d’élections aussi bien législatives que présidentielles.
- Veiller, dans la période transitoire, celle courant jusqu’aux élections, à conférer la légitimité nécessaire au bon fonctionnement de l’ensemble des institutions de la République, par l’Accord politique qui en sera issu. »
Avec force invectives, la mouvance présidentielle a soutenu que les résultats de l’élection présidentielle ont été validés par la Cour Constitutionnelle aux termes d’une décision non susceptible de recours. Ils ne sauraient souffrir d’aucune contestation…

Dans sa synthèse, le Bureau du dialogue met en lumière les observations d’une délégation de la société civile qui a convié les participants à s’apaiser en se disant que ce qui est arrivé en avril 2005 relève de la providence!

Le dialogue avait aussi inscrit à l’ordre du jour un Appel à la reprise de la coopération. L’opposition dans son ensemble a estimé que la reprise de la coopération dépend des conclusions du Dialogue. Elle a considéré que la décision de suspension de la coopération avec le Togo ayant été prise par l’Union européenne qui a elle-même défini les conditions de sa levée, un appel lancé par le Dialogue serait sans effet. « L’une des délégations a rappelé que dans le plan de la reprise de la coopération, le Conseil des Ministres de l’Union européenne a, par décision en date du 15 novembre 2004, prévu que le reliquat de l’allocation au titre du 9ème F.E.D. sera notifié au Togo et commencera à être programmé dès que le Dialogue visé à l’engagement 1-1 aura lieu et débouchera sur un cadre électoral acceptable par tous. La délégation en question a exhorté la Dialogue a parvenir rapidement à l’accord requis. »

Le Dialogue avait aussi prévu de débattre de la mise en place d’un mécanisme de suivi de la bonne application des décisions du Dialogue national(Point 11). Le rapport de synthèse révèle que « toutes les délégations ont marqué leur accord sur la mise en place d’un tel mécanisme . Elles ont toutefois divergé sur sa composition.
- certaines délégations ont estimé que sa composition doit être limitée aux parties prenantes au dialogue et aux organisations qui ont désigné des observateurs pour suivre les travaux
- d’autres ont proposé que la composition soit ouverte à d’autres organisations qui s’intéressent particulièrement à l’évolution de la situation politique au Togo
- Une délégation a fait observer qu’il n’est pas indiqué que les parties prenantes au Dialogue siègent dans le comité de suivi.

Abordant le dernier point à l’ordre du jour du Dialogue, la formation d’un nouveau gouvernement, un parti a proposé que « dans le but d’une mise en œuvre commune de l’Accord politique issu du dialogue, la mise en place d’un gouvernement d’union nationale se fasse sur la base d’un Accord de gouvernement. »
Position que résume avec très grand simplisme, le Bureau du Dialogue de la manière suivante : « toutes les délégations ont adhéré au principe de la formation d’un nouveau Gouvernement et ont déclaré être disposés à y entrer. »


LA DEUXIEME PHASE DU DIALOGUE…ME AGBOYIBOR MEDIATEUR DE FACTO ?

Sur toutes les questions qui ont été débattues par les participants du dialogue national, en quatre semaines, on était loin d’obtenir un consensus. Des rigidités sont apparues sur la nécessité d’entreprendre des réformes institutionnelles et sur le cadre électoral. Certes, Me Agboyibo qui préside le Bureau du Dialogue assure qu’une deuxième phase va permettre de rechercher ce consensus.

Mais, il semble que la procédure et la méthode adoptées pour cette phase de recherche de consensus ne soient pas plus fécondes. En effet, le Bureau a prévu la procédure suivante : Dans un premier temps, il prend contact avec chacune des délégations et sollicite la synthèse de leur position sur l’ordre du jour du Dialogue national. Au terme de ces contacts, le Bureau œuvre à l’élaboration d’un projet d’accord.

Ce projet sera ensuite examiné entre chaque délégation et le Bureau qui recueillira les nouvelles observations des délégations en vue d’améliorer le projet d’Accord qui sera examiné en séance plénière le 24 mai prochain. Cette séance plénière se réunira pour examiner et adopter le Projet amélioré qui deviendra ainsi l’Accord politique. Le Bureau prévoit, s’il y a persistance de désaccords, qu’il sollicite, sur décision du Dialogue national, des médiateurs en fonction des sujets mis en réserve pour désaccords et réserves.

Cette procédure appelle plusieurs remarques : elle fait de Maître Agboyibo, le médiateur de facto. Dans un premier temps du moins !
En outre, elle suggère des accords dans l’Accord global. La manœuvre étant de produire un accord partiel en isolant les questions essentielles et de présenter un accord politique dont on dira de toute manière qu’il est l’Accord politique issu du Dialogue national.

Nous sommes à deux jours de la séance plénière qui devrait aboutir à la signature de l’Accord et, selon nos informations, aucun contact ou navette n’a été établi entre les délégations pour trouver un compromis. Les observateurs présents jouent vraiment leur rôle. Ils ne font qu’observer. Or, à ce stade, c’est la diplomatie ou le médiateur qui devait jouer un rôle et faire des approches pour tenter de concilier les positions qui sont rigides. A moins, que le Bureau du Dialogue et son président qui partage les mêmes points de vue que les autres partis de l’opposition n’aient une ressource cachée pour obtenir ce consensus et un Accord politique qui ne soit pas un marchandage de politiciens dont il faut quand même dire qu’ils ont tous besoin de faire la preuve de leur légitimité et de leur représentativité des Togolais.

La rédaction letogolais.com