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La multiplication des infrastructures urbaines s’accompagne du développement de mauvais comportements

Togo - Societe
Il n’est plus un secret pour personne que les infrastructures routières pullulent ça et là dans la ville de Lomé, du fait de l’effort conjugué des récents gouvernements successifs de la République togolaise et des partenaires techniques et financiers du Togo. A côté de ce fait, il y en a d’autres : il est de coutume de voir que les riverains de ces voies nouvellement construites ont transformé les caniveaux en dépotoir des eaux usées sorties des ménages. Tout aussi vrai est le fait de voir que les toilettes de certaines maisons riveraines des infrastructures sont, par le canal de tuyaux enterrés, furtivement connectées aux caniveaux aménagés pour les eaux de pluies. Le plus grave de ces faits reste le spectacle qu’offrent certains sur les routes et rues, quand ils descendent de leur véhicule ou moto, en pleine journée et au vu et au su de tout le monde, urinent dans les fuites des caniveaux.
A tout ceci, vient s’ajouter la mauvaise utilisation des sachets plastiques qui sont pour la plupart non biodégradables. Il suffit de se tenir dans une rue et d’ouvrir les yeux, le spectacle est à la mode. Petits, grands, femmes, hommes, enfants, motocyclistes, conducteurs de voiture, bref ils sont nombreux ces personnes qui après avoir utilisé un sachet plastique, l’abandonnent sans aucune autre forme de jugement, au vent. Et pourtant, la durée de vie de ces objets est toujours relativement longue que celle de l’homme en général.

Selon les études, la bouteille en plastique a une durée de vie de 100 à 1000 ans et le sac en plastique 450 ans.

Mais tous ces objets, du fait de l’homme, se retrouvent du jour au lendemain et de manière régulière dans les ouvrages auxquels ils ne sont pas destinés.

Interrogées sur la question, certaines femmes disent qu’avant la construction ou l’aménagement des routes, elles ont l’habitude de jeter les eaux usées sur la route ensablée qui ne tarde pas à la consommer. « Quand les routes sont faites, je ne sais plus où jeter
l’eau qui m’a servi à laver ou à préparer à la cuisine. On ne peut même pas la jeter à la maison. Le lieu le mieux indiqué est la fuite des caniveaux. Au moins là-bas, on sait qu’on s’en est définitivement débarrassée », a expliqué Nadia, locataire dans une maison sise au bord du boulevard de la Kara.

Qu’est-ce qui peut se passer dans la tête d’une personne pour qu’elle arrive à se comporter ainsi ? Comment peut-on comprendre ces mauvais comportements érigés en pratiques habituelles ?

La route appartient à l’Etat, dans l’entendement du Togolais

Selon un étudiant en fin de parcours Licence en pratique sociale, santé et développement en département de sociologie à l’Université de Lomé, « le désenchantement de la chose publique » seule peut permettre d’expliquer cette inconscience qu’on remarque partout dans les rues. « Le Togolais ne pense pas que la route fait partie de son patrimoine et que c’est sans gêne qu’il se débarrasse d’un sachet, d’une eau usée. La route pour lui, appartient à l’Etat et c’est à lui de l’entretenir », a-t-il relevé.

« On peut comprendre ces actes dans le sillage d’un maintien à travers les âges de la défiance de l’autorité incarnée par l’Etat. La toute-puissance de l’Etat a été ébranlée depuis quelques années avec ses faiblesses ici et là et il s’est instauré dans le comportement,
des écarts de conduite qui jusqu’à une période récente, ne s’observaient pas avec autant d’acuité. Ces schémas se sont entretenus et se poursuivent. Par ailleurs, cela peut résulter d’une mauvaise intégration des normes sociétales due forcément à l’éducation parentale laxiste ou encore par endroits à la déviance qui peut s’expliquer par plusieurs facteurs. Mais de toute évidence, il faut qu’il y ait des alternatives aux populations pour arriver à échafauder des explications. C’est dire par exemple que s’il y a des dépotoirs et que les populations préfèrent les caniveaux, il y a donc problème, sinon on parlerait de contraintes qui forcent à des adaptations inappropriées », a laissé de son côté, un psychologue praticien qui a requis l’anonymat.

En tout cas, ces comportements, qu’ils soient justifiés ou non, ont des conséquences désastreuses aussi bien sur l’environnement que sur la gestion urbaine.

Ces comportements sont néfastes pour les riverains eux-mêmes et pour la population en général

Se prononçant sur les eaux usées, Victor Anani Djogbessi, hydraulicien génie civil a estimé que ces eaux doivent être traitées avant d’être envoyées dans la nature, sinon, a-t-il prévenu, « elles polluent carrément la nature parce qu’elles sont porteuses de matières qui sont nuisibles aux composantes qui ont participé à la construction des conduites faites en PVC ou à base de bétons traités ».

Dans les pays développés, a-t-il poursuivi, il y a deux (2) systèmes, un pour les eaux usées traitées dans une station de traitement d’opération et un autre pour les eaux pluviales qui ne sont pas biologiquement chargées. « Dans d’autres pays, le système est unique. On considère dans ceux-ci que mêmes les eaux pluviales, sous le coup des gaz qui sont jetés dans la nature (voitures et autres) sont polluées. Toutes les eaux vont dans une station d’opération avant d’être envoyées dans la nature », a-t-il ajouté.

Le rapport relatif à l’analyse des eaux résiduaires et boues des caniveaux de la ville de Lomé réalisé en 2014 dans le cadre du Projet d’urgence de réhabilitation des infrastructures et des services électriques par le Laboratoire de microbiologie et de contrôle de qualité des denrées alimentaires (LAMICODA) de l’Ecole supérieure des techniques biologiques et alimentaires (ESTABA) de l’Université de Lomé, donne des conclusions affreuses sur les eaux et les boues des caniveaux.

« Tous les germes recherchés sont retrouvés aussi bien dans les eaux que dans les boues des caniveaux. A l’exception de Staphylococcus aureus dont la teneur est faible, tous les germes sont présents en nombre très élevé. Ces eaux et sédiments sont susceptibles d’être des sources potentielles de contamination microbienne des eaux de surface et de l’environnement. La présence dans ces échantillons des germes pathogènes peuvent provoquer des infections microbiennes chez les humains que chez les animaux qui seront en contact avec ces eaux et/ou sédiments », conclut le rapport.

Selon Issa Tchanilé, Directeur de l’Urbanisme au cabinet du ministère des Infrastructures et des transports à Lomé, la mauvaise utilisation des sachets plastiques qui se retrouvent notamment dans les caniveaux, a pour conséquence de ne pas permettre aux équipements de fonctionner normalement.

« Quand on met les ordures et les déchets plastiques dans les caniveaux, on se rend compte que cela est à l’origine des inondations, des saletés qu’on constate dans la ville etc. Ces comportements ont des conséquences néfastes sur aussi bien la durabilité des équipements réalisés que sur leur fonctionnement normal », a-t-il indiqué.

Pour lui, il faut nécessairement arriver à former les citoyens togolais des années à venir afin d’éviter des surprises. Et ces citoyens, à en croire ce technicien, doivent être ceux qui connaissent leurs droits et devoirs.

Le curage des caniveaux, un « travail inutile » qui engloutit de l’argent pouvant servant à d’autres fins

Selon le Maire du 3ème arrondissement, Léandre Yawovi Gbenyedzi, pour faire le désensablement des caniveaux, la commune recrute des jeunes avec des balais cantonniers pour procéder à l’enlèvement du sable sur les voies au prix de 3.000 francs CFA par jour par personne. « Si les habitants de Lomé se comportaient bien, cet argent peut servir à financer des projets de développement dont ils seront les bénéficiaires directs », a-t-il regretté.

Selon lui, le curage se fait par mètre linéaire, ce qui engendre des coûts financiers importants mais une fois curés, les caniveaux redeviennent comme avant une semaine après les travaux et on se rend compte qu’on a fait un travail inutile.

Telli K.