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Nathaniel Olympio : « Lorsqu’un régime travestit les recommandations d’un facilitateur (…) alors le facilitateur, président d’un pays démocratique, se doit de rétablir le sens de ses recommandations

Togo - Politique
Le Président par intérim du Parti des Togolais, Nathaniel Olympio dont le parti est membre de la Coalition des 14 partis de l’opposition qui mène la fronde depuis plusieurs mois contre le pouvoir de Lomé, se livre à Togotopnews. Ici, il revient entre autres sur les chances de réussite du dialogue inter-togolais engagé depuis le 19 février, la question des garanties, les rumeurs relativement aux dissensions au sein de l’opposition et sur la répression des dernières manifestations de la coalition.
La coalition dont votre parti est membre et le gouvernement ont démarré un dialogue depuis le 19 février 2018 afin de trouver une solution à la crise qui secoue le Togo. Dans le contexte actuel peut-on encore avoir une issue favorable à ce dialogue ?

Ce que les Togolais peuvent considérer comme issue favorable à ce dialogue, c’est de voir une transition se mettre en place, c’est de voir ce régime quitter le pouvoir et c’est de voir un espace de démocratie et de liberté s’installer au Togo. Voilà ce que les togolais attendent.

Mais quand on voit les postures du régime, quand on entend les déclarations du chef de l’Etat ou de ses ministres, on est convaincu que ce régime ne veut absolument pas ouvrir ses positions à la démocratie et donc dans ces conditions, tous les Togolais comprennent que l’initiative de dialogue prise par ce régime n’était simplement que pour casser la dynamique de la mobilisation. Mais ils seront surpris parce que les Togolais sont très déterminés dans cette lutte dont l’issue est inéluctable. C’est une question de temps.

L’un des points d’achoppement du dialogue, c’est la question de la candidature de Faure en 2020. L’opposition dans son ensemble ne peut-elle pas mettre un bémol à sa position et s’organiser pour battre le régime dans les urnes ?

Les Togolais ont expérimenté la participation à des élections dans ce pays à de multiples reprises, y compris en présentant un candidat unique. Et à chaque fois, cela s’est terminé par des contestations, par une violence d’Etat et par la confiscation du pouvoir, parce que le régime considère les élections comme un instrument de confiscation du pouvoir. Aujourd’hui, plus aucun Togolais n’est prêt à participer à des élections dans les conditions actuelles imposées par ce régime où toutes les institutions sont inféodées à l’Exécutif. Ce serait une ineptie. Et d’ailleurs, s’ils s’entêtaient à maintenir leur referendum ou à organiser unilatéralement leurs élections, alors ils vont faire peser sur le pays de graves menaces.

Le régime ne lâche pas. L’opposition est tout aussi déterminée à faire aboutir les revendications du peuple. Ne court-on pas de graves risques pour l’avenir ?

De graves risques, c’est certain ! Mais vous savez ce que vous devez avoir à l’esprit ? C’est que nous avons d’un côté, un peuple désabusé et meurtri qui veut mettre un terme définitif à un régime qui régente le pays depuis plus de 50 ans dans un monolithisme politique et une brutalité caractérisée. Ce peuple exige une voie pacifique de mise en place d’une transition pour une évolution en douceur vers la démocratie et plus de liberté.

En réponse, malgré le troisième mandat qu’effectue le chef de l’Etat sortant, le régime dit qu’il maintient la confiscation du pouvoir jusqu’en 2020, terme de son troisième mandat, et qu’il envisage d’en faire deux autres. Soit un total de cinq mandats pour la même personne, en violation de la Constitution votée à 98% par le peuple en 1992 et charcutée par ce régime qui a fait sauter le verrou de la limitation de mandat, violant ainsi l’esprit de cette Constitution.

N’est-ce pas trop de demander une transition à un régime élu par le peuple et reconnu par les institutions de la République ?

C’est quand même assez extraordinaire que l’on puisse poser une question de cette nature-là, ici au Togo. Quand un peuple souverain exprime sa volonté et exige que le régime quitte le pouvoir pour qu’on puisse entrer dans une phase de transition, c’est parce que ce peuple estime que le régime qui est en place, en l’occurrence depuis 50 ans, n’a absolument aucune légitimité. Les Togolais savent qu’ils n’ont pas donné leurs voix à ce régime dans une quelconque élection. C’est aussi simple que ça. On ne peut pas dire au détenteur du pouvoir qu’il demande trop en voulant reprendre son pouvoir en main. N’oubliez pas que le pouvoir n’appartient pas à celui qui gouverne. Le pouvoir n’appartient pas au chef de l’Etat. Le pouvoir appartient au peuple souverain. Le peuple souverain peut parfaitement à tout moment, s’il juge que la personne en place ne correspond pas dans sa gouvernance à ses attentes, lui demander de se démettre surtout quand il confisque le pouvoir depuis des décennies.

Qu’est-ce que le peuple ? C’est qui ce peuple qui a la souveraineté ?

Même celui qui n’a pas l’âge de voter fait partie du peuple. Le peuple ce ne sont pas les électeurs. Le peuple, c’est l’ensemble des citoyens d’un pays. Mais quand on parle d’une majorité, parce que nous sommes supposés être en démocratie, c’est simplement lorsque le plus grand nombre exprime une volonté. On considère que c’est la volonté du peuple. Et dans toutes les communautés, il faut considérer ceux qui sont plus représentatifs d’une position donnée. Tous les 7 millions de togolais ne peuvent évidemment pas parler de la même et unique voix. Mais quand la grande majorité de la population va dans un sens, le même sens, on peut légitimement dire que le peuple s’exprime. C’est le cas aujourd’hui au Togo avec le peuple qui conteste le régime en place.

D’un côté, le peuple qui demande liberté et démocratie, de l’autre, le régime qui confisque le pouvoir d’Etat et qui impose violence et arbitraire. Quand vous mettez ces deux visions sur la balance, d’après vous de quelle coté cela devrait pencher ?

Bien entendu, les gens qui veulent rester au pouvoir par la force font effectivement courir de grands dangers à ce pays. C’est pour cela qu’on en appelle à leur sens des responsabilités et de patriotisme pour qu’ils comprennent qu’après 50 ans, il est temps de marquer une ouverture démocratique. Surtout que le peuple et la coalition des partis de l’opposition sont prêts à ne pas procéder à une chasse aux sorcières, sont prêts à accepter que tous les Togolais puissent travailler ensemble et je pense que c’est une excellente opportunité qu’on leur offre.

Malheureusement, le dialogue qu’ils ont initié est juste une occasion de gruger encore les Togolais. Malheureusement pour eux, les Togolais d’aujourd’hui vivent dans un monde qui a beaucoup changé. Ils sont dans un espace CEDEAO où le Togo est le seul pays figé dans un passé révolu. Les jeunes qui sont ouverts sur le monde avec les réseaux sociaux sont déterminés, les jeunes ont soif de liberté, les jeunes ont soif de démocratie et c’est pour cela que le Togolais est debout depuis plus de 8 mois maintenant. Le peuple togolais ne va pas rentrer à la maison tant qu’il n’aura pas obtenu ce qu’il cherche. L’alternance au sommet de l’Etat.

Est-ce que la question des garanties est inscrite au dialogue parce que c’est une question fondamentale pour l’alternance pacifique ?

Avant même d’entrer dans le fond de ce sujet, le régime doit d’abord intégrer le concept de vouloir marquer une ouverture démocratique. Mais tant que les gens sont fermés et que leurs démarches, est de tout faire pour que l’on ne puisse justement pas discuter du pouvoir, cette question des garanties ne peut pas être abordée. Le régime n’a pas encore intégré que la rotation du pouvoir est un fondement qui garantit la solidité de la démocratie. Pour eux, ils sont là, ils doivent rester là aussi longtemps que possible. Donc il n’y a aucune possibilité de discussion, ni de garantie, ni d’alternative envisageable sur la manière de conduire le pays, rien du tout ! C’est pour cela que jusqu’ à présent les discussions de ce dialogue ne donnent rien de tangible, parce qu’on tourne autour du pot et on ne met pas l’accent sur le véritable problème qui mine le Togo.

Le dialogue dans son contexte actuel ne donnera aucun résultat tangible. Il nous faut exercer plus de pression à l’intérieur du pays. Il nous faut également exercer plus de pression à l’extérieur du pays. C’est la conjonction de ces facteurs qui produira les résultats attendus.

Selon les dernières informations, l’opposition ne réclame plus le retour originel de la Constitution 1992. Est-ce une vérité ou de l’intox ?

Il y a beaucoup d’incompréhensions, de méprises et peut être aussi quelque part, il y a pour certains une volonté de désinformer les populations. La coalition des quatorze partis de l’opposition n’a jamais renoncé au retour de la Constitution originale de 1992. Ça fait partie de notre plateforme et c’est l’un des socles d’ailleurs de notre plateforme de revendication. Nous ne pouvons pas ne pas réclamer le retour à la constitution de 1992. Ceci étant dit, il est vrai que lors des discussions, la coalition a relevé les points fondamentaux qui fondent cette Constitution pour que les gens comprennent pourquoi cette Constitution est si important pour les Togolais.

Cette explication que nous avons donnée a été complètement manipulée et la communication qui en a suivie a fait penser que la coalition renonçait au retour à la Constitution de 1992. Nous continuons de défendre l’esprit et la lettre de cette Constitution.

Est-ce qu’il est possible d’espérer par rapport à la résolution de la crise togolaise ?

Bien sûr qu’il faut être optimiste. Il n’y a pas d’autres issues que la réussite de ce combat-là. Aucune lutte pour la liberté ou pour la démocratie ne reste sans issue. Et des pays ont connu des moments plus terribles mais ont trouvé la paix par la suite. Le Togo n’est pas en conflit armé. Au Togo, il y a un peuple qui se bat pour sa liberté, qui se bat pour la démocratie, il faut avoir foi en la détermination du peuple. Il faut savoir qu’un peuple qui est debout, un peuple qui se bat, il y a rien qui puisse le vaincre. Nous allons trouver une solution et nous la recherchons aussi pacifique que possible. Nous estimons que le bon sens devrait prendre le dessus pour que nous évitions des douleurs inutiles à ce pays. C’est pour cela que j’ai foi que la mobilisation va permettre que les Togolais atteignent ses objectifs.

Est-ce que les forces coalisées vont aller jusqu’ au bout de leur lutte ? Est-ce que vous donnez cette garantie?

Je pense qu’il y a des signes. Il faut faire la lecture des événements. C’est vrai que par le passé, l’opposition a eu quelques difficultés à travailler de concert dans la durée. Mais aujourd’hui, vous avez noté que c’est la première fois que les forces de l’opposition se sont mises ensemble et continuent d’être ensemble pratiquement huit mois après. C’est une première au Togo. Cela veut dire que chaque parti politique a compris que tout seul, il ne peut absolument rien faire et que c’est dans la mutualisation des ressources, c’est dans la création d’une synergie que nous pouvons affronter le régime en défendant les mêmes choses. Nous avons la conviction que c’est ensemble que nous allons atteindre les objectifs et je ne vois pas aujourd’hui ce qui amènerait la coalition à s’affaiblir.

D’ailleurs, la coalition n’est pas seule. La diaspora togolaise est très active. Il faut la féliciter et l’encourager. Elle travaille avec engagement et détermination. Les forces de l’intérieur du pays et les forces de l’extérieur doivent renforcer davantage la mutualisation des énergies pour augmenter l’efficacité de la lutte. Je crois profondément au génie créateur du Togolais.

Mais des rumeurs persistantes font toujours croire qu’il y a des dissensions au sein de la coalition. Qu’en dites-vous ?

On ne peut pas le nier, il y a toujours des discussions sur des points de vue parfois divergents mais la force que nous avons, c’est que malgré les voies préconisées qui peuvent être parfois un peu différentes, nous arrivons toujours à retomber sur nos pieds et à continuer de travailler ensemble comme nous le faisons depuis huit mois déjà. C’est cette capacité à surmonter nos divergences qui montre notre solidité. La lutte pour la liberté n’est pas un long fleuve tranquille, pas même au sein d’une coalition qui lutte pour la même cause.

Une réaction sur l’arrestation des militants des droits de l’homme ?

Vous savez que le régime a donné comme seule réponse à cette crise, une expression de violence, une volonté d’intimider, de démobiliser par la terreur et de traumatiser les Togolais. On arrête les militants des droits de l’homme, on convoque les journalistes dans les locaux des Services de Renseignements. On passe les gens à tabac, on pose des actes qui sont complètement injustes. On cherche à casser en fait toute la dynamique de la contestation. C’est ce qui est en train de se passer avec le défenseur des droits de l’homme Assiba Johnson. Toutes les tracasseries qu’ont subies le professeur David Dosseh, son fils et le professeur Ihou, sont également une démarche bien réfléchie de la part du régime pour bâillonner les gens. Et tout ceci est la continuité de la mise sous pression des villes de Mango, de Bafilo et Sokodé. Il s’agit d’un plan machiavélique que le régime met en place pour traumatiser les populations. C’est fort déplorable mais nous continuerons de nous battre contre l’arbitraire, contre l’injustice et contre tout ce qui s’apparente à la confiscation du pouvoir. Les choses que nous sommes en train de déplorer aujourd’hui ne sont que des conséquences d’une situation donnée et cette situation, c’est la confiscation du pouvoir par ce régime-là. C’est pour cela qu’il faut demeurer combatif. Il faut être très déterminé, il faut rester très engagé pour que ce régime comprenne qu’absolument rien ne va arrêter les Togolais dans leur quête de la liberté et de la démocratie.

Que dites-vous des événements de la semaine écoulée, lors de vos manifestations des 11, 12 et 14 Avril 2018 ?

Lorsqu’un régime travestit les recommandations d’un facilitateur, en l’occurrence le Président Nana Akufo Addo, pour en faire un instrument d’interdiction de manifester, contrairement à la Constitution, alors le facilitateur, président d’un pays démocratique, se doit de rétablir le sens de ses recommandations. Les Togolais ont besoin de comprendre. Les Togolais veulent être libérés de cette entrave.

Les Togolais vivent un cauchemar. Le cauchemar, c’est quand les citoyens paisibles sont roués de coup publiquement par une escouade d’hommes en arme, sans aucune retenue malgré la présence des caméras. Le cauchemar, c’est quand les forces de l’Etat pourchassent les leaders politiques dans les rues de Lomé en tirant des gaz lacrymogènes sur eux, aux risques de provoquer de graves accidents. Le Cauchemar, c’est quand les leaders politiques se sentent victimes de tentative d’assassinat et que l’on brise les vitres de leurs voitures à coups de crosse de fusil.

La semaine écoulée est symptomatique de la gouvernance de ce pays. Nous continuerons d’affronter ces barbaries.

Un mot de fin ?

Je dirai pour terminer cet entretien que nous avons tous une responsabilité. Toutes les composantes de la Nation ont une responsabilité. Toutes les institutions ont une responsabilité. Celle de l’armée est encore plus significative lorsque le pays part à la dérive comme c’est actuellement le cas dans notre pays. Que l’Eternel bénisse le Togo, comme le prône notre marche républicaine.



Interview réalisée par Hélène Doubidji