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Nathaniel OLYMPIO : « Il est temps d’achever la lutte »

Togo - Politique
Président du Parti des Togolais, Nathaniel Olympio revient dans l’entretien avec le journal La Manchette sur l’actualité sociopolitique au Togo. Plus confiant que jamais sur la suite de la lutte pour l’Alternance, il voit, contrairement aux allégations de démobilisation, un peuple resté déterminé, conscient qu’il est temps d’achever la lutte démocratique. Lecture !
LA MANCHETTE : Nathaniel Olympio, votre coalition semble être dos au mur puisqu’on sent un relâchement ou une démobilisation des populations togolaises qui hier, étaient acquises à votre cause. Dites-nous comment comptez-vous vous relever de cette situation ?

N.O : Les Togolais dans leur grande majorité sont inquiets pour l’avenir, très inquiets. Ils sont parfaitement conscients d’avoir évité de justesse une hécatombe, d’avoir évité de justesse des massacres en observant les mots d’ordre de la Coalition et de la société civile le 20 décembre 2018. Tout le monde sait que si le régime persiste dans le radicalisme, la violence et l’exclusion, on peut craindre des lendemains difficiles. Le peuple togolais n’est pas démobilisé loin s’en faut. Les Togolais ont régulièrement exprimé leur aversion pour l’arbitraire, ce fut le cas en 1991, en 1998, en 2005, en 2012 puis depuis 2017 jusque maintenant 2019. En gros, tous les sept ans les Togolais expriment leur colère. C’est à ce peuple que vous parlé de démobilisation ?

La maturité politique des Togolais n’est plus à démontrer. Ils savent ce qu’ils veulent. Et tant que leurs profondes aspirations ne seront pas prises en compte, très logiquement la crise va persister et risque de s’envenimer. L’élection présidentielle à venir constitue un point de cristallisation. Il faut s’évertuer à apaiser les tensions avant cette échéance. Il faut travailler pour réconcilier les Togolais. Sans cela, l’avenir est sombre.

La coalition explique la faible mobilisation de la dernière marche par une militarisation du pays. Mais d’aucuns estiment que c’est un argument un peu tiré par les cheveux pour justifier l’échec de la mobilisation. Qu’en dites-vous ?

C’est une question de provocation. Il est inconséquent de parler d’échec de la mobilisation. Depuis Aout 2017, le niveau de mobilisation dans les manifestations publiques pacifiques a varié. Nous avons connu des jours d’affluence moyenne et d’autres jours de mobilisation gigantesque. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène. C’est une évidence que l’interdiction des manifestations, la militarisation des localités, les rafles dans les quartiers et la violence extrême sur la population constituent des éléments d’explication. Il y a aussi le balancier naturel qui fait que toutes les batailles ne peuvent pas avoir la même intensité. D’un autre côté, nous devons améliorer la gouvernance des forces démocratiques pour renforcer l’efficacité. Le plus important est de conserver le caractère pacifique de la lutte en ne se laissant pas entraîner par les extrêmes.

Vous avez appelé les populations à ne pas se faire enrôler lors du recensement électoral. Mais les élections locales sont proches. Comment allez-vous corriger cela ?

Pour être plus proche de la vérité, il faut plutôt dire que le régime a empêché les populations de se faire recenser en adoptant une posture qui bafoue la démocratie. Nous n’avions pas eu d’autre choix que d’appeler à ne pas participer car, ce recensement a été organisé dans des conditions qui n’en garantissaient pas la transparence ni la crédibilité. Nous voulons un fichier électoral à base de biométrie intégrale et qui prenne en compte les Togolais de la diaspora.

Que vaut une élection sans un minimum de transparence ? Que vaut une élection organisée de façon unilatérale avec un fichier électoral dont 75% des électeurs n’ont pas de pièce d’identité ? Que vaut une élection avec un découpage électoral anachronique qui fait que certains députés sont élus avec 50.000 voix alors que d’autres le sont avec 198.000 voix ?

Le régime doit ouvrir le jeu politique pour permettre à l’opposition de participer aux compétitions électorales, ce qui donnerait une crédibilité aux élections au Togo. Dans le cas contraire, c’est de la duperie.

La coalition ira-t-elle aux locales en rang dispersé ou en communion ?

Depuis près de dix-huit mois, on nous prédit chaque semaine la fin de la coalition. Dieu merci, nous sommes toujours là malgré quelques limites. Nous sommes résolus à aborder ensemble et avec sérénité les défis qui se dressent devant nous. Tirant les leçons des expériences passées, la coalition tient particulièrement à la qualité et à la crédibilité des élections.

La coordinatrice de la coalition admet certaines erreurs dans la conduite de la lutte jusqu’au 20 décembre 2018. Nathaniel Olympio, si on vous remettait dans les conditions d’avant les dernières législatives, qu’est-ce vous devez revoir ?

Il est absolument indispensable de savoir tirer les leçons du passé. Il serait irresponsable de ne pas chercher à faire différemment les choses si nous ne voulons pas avoir les mêmes résultats. La coalition n’a pas été suffisamment efficace dans l’art du maniement du bâton et de la carotte. Indéniablement, nous devons améliorer la gouvernance de l’ensemble des forces démocratiques, au-delà de la coalition.

« Les leaders de l’opposition s’engagent dans des bras de fer avec le pouvoir en place sur des questions, certes, aux fondements pertinents, mais ne prévoient pas des plans alternatifs au cas où leurs objectifs ne seraient pas atteints », dixit Mgr Kpodzro. N’a-t-il peut-être pas raison, M. Olympio ?

L’Archevêque Émérite Mgr Philippe Fanoko Kpodzro est une personnalité morale de premier plan dans notre pays. Ancien Président de la Conférence Nationale Souveraine et ancien président du Haut Conseil de la République, le parlement de la Transition, il n’a pas seulement le droit mais le devoir de tirer la sonnette d’alarme à chaque fois que cela est nécessaire. J’évoquais plus haut la nécessité d’améliorer la gouvernance des forces démocratiques. Cela englobe tous ces aspects que relève Monseigneur Kpodzro.

J’en profite pour saluer l’engagement des religieux dans leur ensemble. Les églises presbytériennes, Méthodistes, l’église Catholique, les Imams ont tous marqué leur préoccupation au regard de la dégradation de la situation socio-politique. Monseigneur Kpodzro leur demande même d’aller plus loin dans l’engagement, particulièrement ment l’église Catholique qui elle-même s’est déjà engagée à ne plus se taire.

Beaucoup appellent la coalition à un changement de stratégies. Est-ce que ces messages, presque des cris de détresse des populations vous parviennent ?

Nous sommes sensibles aux cris de détresse des Togolais. Nous comprenons leur impatience et leur désarroi. C’est pour cela que je voudrais rassurer les uns et les autres. Le changement est inéluctable, d’une manière ou d’une autre. Et il est proche. Je tiens à renouveler ici notre engagement et notre détermination à parachever cette lutte que nous menons depuis plus de cinquante ans contre un régime qui a confisqué le pouvoir d’État par la force et se le sont transmis du père au fils. Ce que nous faisons n’est plus uniquement une lutte politique. Ce n’est pas non plus une compétition électorale. C’est une lutte de libération nationale. Pour gagner cette lutte, il ne suffit plus d’être opposant. Il est temps de résister à l’arbitraire ! C’est la conviction du Parti des Togolais qui ne ménage aucun effort.

Un dernier

Certes le régime reste hermétiquement fermé à l’ouverture démocratique, mais nous devons défendre l’instauration de la démocratie en renforçant la collaboration entre l’opposition politique, la société civile et la diaspora pour former le grand mouvement citoyen, non monolithique mais pluriel, qui portera la nouvelle phase de la lutte. La prochaine élection présidentielle est supposée se tenir en 2020. Sans nul doute, ce sera un point de cristallisation de la crise, si les différends actuels ne trouvent pas de solutions d’ici là. Le Parti des Togolais appelle les forces démocratiques à se mettre en ordre de bataille pour donner au peuple ce pour quoi il se bat et se sacrifie. Nous devons maintenant achever la lutte. Il est temps ! GAMESU.

Entretien Réalisé par Sylvestre Béni