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La « mission d'information et d'étude » du Bureau de l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE à Lomé du 31 mars au 2 avril 2019: Quelles suites maintenant?

Togo - Opinions
Une « mission d'information et d'étude » du Bureau de l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE a séjourné à Lomé du dimanche 31 mars au mardi 2 avril 2019.
Côté « parlements des pays ACP », on y remarquait la présence d'une parlementaire du Gabon, Mme Lucie Milebou-Aubusson, présidente du Sénat, une proche du président Ali Bongo. Côté « Parlement européen », elle se composait d'un parlementaire du groupe libéral (le sulfureux Louis Michel, qui n'est plus à présenter aux Togolais), d'un parlementaire du groupe démocrate-chrétien et d'une parlementaire du groupe social-démocrate.

La mission du Bureau de l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE (ou « mission ACP-UE » pour simplifier) a eu plusieurs entretiens avec les autorités togolaises au plus haut niveau. Elle a aussi rencontré les Ambassades du G5 Togo (Délégation de l'Union européenne, Ambassade de France, Ambassade d'Allemagne, Ambassade des Etats-Unis et Coordination du Système des Nations Unies) et la Représentation permanente de la CEDEAO. Enfin, elle a eu quelques entretiens avec des acteurs non gouvernementaux togolais représentant, respectivement, la nouvelle « opposition parlementaire » (dont la légitimité est pourtant sujette à caution), l'opposition extraparlementaire (ANC, PNP, CAR et C14), la société civile (aussi bien celle qui défend véritablement les intérêts des populations que celle qui « fait le jeu » du régime) et les principaux cultes.

Les points de vue et les intérêts du régime cinquantenaire ont donc été bien défendus devant la mission ACP-UE, d'abord par les dirigeants de ce régime eux-mêmes. Ils ont aussi été, pour le moins, ménagés par les représentants de la communauté internationale précités, qui, tous sans exception, s'étaient rendus complices de la préparation, de la tenue et de la « validation » des élections législatives antidémocratiques du 20 décembre 2018, véritable acte de brigandage contre un peuple.

Pourquoi cette mission ACP-UE?

Le soulèvement populaire pacifique du 19 août 2017 au Togo et son dénouement à travers les législatives du 20 décembre 2018 n'avaient pas échappé aux eurodéputés il y a quelques mois. Par exemple, Michèle Rivasi, membre du Parlement européen (Groupe des Verts/Alliance libre européenne) et vice-présidente de l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE, épinglait le régime Gnassingbé dans un post sur Facebook le 17 décembre 2018. Lire:

#Togo : un demi-siècle de dictature (avec le soutien de la #France et de l’#UE), ça suffit !

Peu après, la question du Togo fut inscrite à l'ordre du jour du 17 janvier 2019, lors de la première session plénière de l'année du Parlement européen. Il aura fallu des manœuvres occultes de certains membres sans scrupules du Parlement européen pour parvenir à la décision inhabituelle d'ajournement du débat et d'envoi d'une mission à Lomé en vue de s'informer sur place de la situation, préalablement à une reprise du débat en avril 2019. C'est là l'origine de la mission d'information et d'étude ACP-UE.

Cette mission était-elle nécessaire? Evidemment que non. Les acteurs principaux et secondaires de la crise togolaise (à savoir le gouvernement, le parti présidentiel, la Coalition des 14 partis de l'opposition – C14, les institutions concernées telles que la Commission électorale nationale indépendante, la CEDEAO, le G5 Togo, différents acteurs de la société civile, les principaux cultes, etc.) avaient pris des positions claires et accessibles au public tout au long de la crise.

Alors, à quoi rime cette mission?

Lorsque le débat sur le Togo fut ajourné le 17 janvier 2019 au niveau du Parlement européen, ne s'agissait-il pas avant tout de dépayser, dans l'intention de la biaiser ou tout au moins de l'édulcorer, l'appréciation de la situation togolaise, en transférant cet exercice du Parlement européen vers l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE où figurent en nombre les parlementaires illégitimes à l'instar de ceux qui « squattent » aujourd'hui la nouvelle Assemblée nationale contestée et contestable du Togo?

Ne s'agissait-il pas aussi de gagner du temps? Temps qui aura permis à un des deux camps de la crise de préparer ses habituels artifices, mensonges et autres moyens d'influence inavouables. Temps qui aura aussi permis à ce camp de déstabiliser l'autre, en y manipulant des maillons faibles et en l'attaquant concomitamment par une sournoise campagne médiatique internationale visant à ruiner son crédit.

Ne s'agissait-il pas, enfin, de « ficeler » un programme d'entretiens grossièrement biaisé à l'avantage d'un des deux camps?

Quelles seront les suites de la mission ACP-UE?

La mission ACP-UE rendra incessamment un rapport à l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE. Compte tenu des antécédents au Togo de l'eurodéputé Louis Michel et du parti-pris qu'il a ostensiblement affiché en faveur du régime Gnassingbé au cours de la visite qui s'est achevée le 2 avril 2019 à Lomé, on peut craindre que ce rapport ne soit pas objectif ou, tout au moins, qu'il soit fortement atténué. Il s'inscrirait alors dans le prolongement des positions scélérates adoptées par le G5 Togo et la CEDEAO sur la crise togolaise.

Après le rapport de la mission ACP-UE, un nouveau débat sur la situation au Togo devrait normalement avoir lieu au niveau du Parlement européen (et non au niveau de l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE), lors de la dernière session plénière de cette institution à la mi-avril 2019. Dernière session plénière, parce que les travaux du Parlement européen prendront fin le 18 avril 2019, avant l'élection de nouveaux eurodéputés par les citoyens de tous les Etats membres de l’Union européenne entre le 23 et le 26 mai et le début d'une nouvelle législature le 2 juillet 2019.

Le cas échéant, le débat sur la situation au Togo débouchera sur un avis, plus précisément sur une résolution. Cette résolution, même dans l'hypothèse où elle relèverait des manquements à la démocratie et aux droits de l'homme dans l'évolution du Togo depuis le 19 août 2017, n'aurait pas une valeur contraignante pour l'Union européenne et pour ses Etats membres tels que la France et l'Allemagne. Ceux-ci pourront à souhait maintenir leur ligne de conduite actuelle à l'égard du Togo. En effet, les résolutions du Parlement européen, à l'instar de celles de l'Assemblée générale des Nations Unies, constituent une appréciation de portée politique et morale avant tout. Leur mérite est, pour l'essentiel, de mettre en évidence devant l'opinion internationale les questions soulevées.

Dans le monde actuel, où les technologies de l'information et de la communication jouent le rôle que l'on sait, il est illusoire pour un régime de vouloir durablement occulter ou tronquer la réalité de ce qui se passe dans son pays. Les faits sont têtus et finissent par être mis en lumière devant l'opinion internationale. Comme l'a dit Abraham Lincoln (1809 – 1865, 16e président des Etats-Unis): « Vous pouvez tromper quelques personnes tout le temps. Vous pouvez tromper tout le monde un certain temps. Mais vous ne pouvez tromper tout le monde tout le temps. »

Affaire à suivre.

Michael Attisso (Paris)
05/04/2019

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FAQ:

- Union européenne (UE): l'Union européenne est une association politico-économique de vingt-huit Etats européens.
- Parlement européen: le Parlement européen est un des principaux organes de l'Union européenne, aux côtés du Conseil européen (chefs d’Etat et de gouvernement des pays de l’UE), du Conseil de l'Union européenne (ministres des pays de l’UE), de la Commission européenne, de la Cour de justice de l'Union européenne, de la Banque centrale européenne, de la Cour des comptes européenne, du Service européen pour l’action extérieure, etc. Directement élu par les citoyens des pays de l’UE, le Parlement européen est indépendant vis-à-vis des gouvernements de ces pays. En matière de politique étrangère et de sécurité, le Parlement européen peut se saisir de sujets et adopter des résolutions y relatives. Ces résolutions ne sont pas contraignantes.
- Pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP): les pays ACP sont les Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique signataires de la Convention de Lomé puis de l'Accord de Cotonou avec l'Union européenne.
- Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE: l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE est composée, en nombre égal, de membres du Parlement européen et des parlementaires ou, à défaut, des représentants désignés par le parlement de chaque Etat ACP.
- Bureau de l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE: le Bureau de l'assemblée paritaire se compose d'un co-président issu du Parlement européen, d'un co-président ACP, de douze vice-présidents issus du Parlement européen et de douze vice-présidents ACP.