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Espoir Koudjodji/Président de Nouveau Citoyen : « Nous exprimons notre déception face au laxisme des autorités des mines et de l'environnement sur la multiplication anarchique des carrières illicites

Togo - Societe
L’exploitation anarchique de sable fait des dégâts. Elle est passée d’une activité lucrative à un véritable problème environnemental et de santé publique. Des entreprises, pour la plupart illégales outrepassent les règles telles qu’éditées dans le code minier en vigueur au Togo. Les responsables de Nouveau Citoyen qui combattent le phénomène à travers un travail de contrôle de l’action publique dans le domaine, d’enquête et de dénonciation, expriment ici leur déception face à son ampleur et pointe du doigt accusateur les autorités des mines, de l'environnement et de la sécurité qui, à les en croire, affichent un laxisme qui favorise l'aggravation de la situation dans les différentes localités concernées. Dans une interview accordée à notre Rédaction, le président de Nouveau Citoyen explique le bien-fondé du combat mené pour éviter le drame socio-environnemental en gestation. Il propose aussi des approches de solutions que l’Etat peut étudier pour endiguer le phénomène.
Icilome : Vous militez dans une association qui mène un combat contre la prolifération des carrières illicites de sable. Parlez-nous un peu de ce combat


Espoir Koudjodji : C’est depuis 2017 que nous avons commencé ce combat. L’autorité a finalement pris le problème au sérieux. Avec nos enquêtes et actions médiatiques, les carrières de Nimagna, Alogavi et Devikinme ont été fermées. En parlant d’autorité, je fais allusion au ministère de l’Environnement, au ministère des Mines et de l’Energies, celui de la Sécurité et de la Protection civile et l'Agence Nationale de Gestion de l'Environnement (ANGE).

Les trois ministères sont allés plus loin en sortant un communiqué interministériel en Août 2017 qui interdisait la création de carrières illicites de sable avec les sanctions qui s’appliquent aux contrevenants. On constate près de deux ans après que le problème s’est aggravé avec la multiplication anarchique de carrières d’exploitation de sable qui continue.

Nos enquêtes nous ont permis de comprendre que même des sociétés dites légales ne respectent pas les normes lors de l'exploitation. A Dalavé, Akoumapé, Abobo, Tsévié-Yobo, Avéta, Djagblé, Zanguéra... de grosses fosses sont creusées et abandonnées à la fin de chaque exploitation, alors qu'il est exigé la réhabilitation des sites après chaque exploitation. C'est le comble dans ces zones qui regorgent des carrières sauvages qui n'ont suivi aucune procédure, notamment l'étude d'impact environnemental et social et ce sont des terres cultivables qui sont dévastées et dégradées alors que ce sont des localités essentiellement agricoles.

L'autre dégât environnemental est l'abattage sauvage des arbres qui se fait avant l'exploitation. Aujourd'hui, le cas le plus alarmant est Dalavé où on compte plusieurs grosses fosses creusées pour l'extraction du sable et laissées à ciel ouvert.



Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans ce combat et que vous disent les autorités compétentes ?


D’abord, les moyens. Pour faire les visites de terrain, il faut des moyens. Du côté sécuritaire, il faut être prudent parce que les gens savent qu’ils sont en train d’enfreindre à la loi en ne respectant pas les conditions requises pour l'exploitation des carrières. Quand vous allez sans aucune forme de discrétion, vous pouvez y laisser votre vie. Le travail que nous faisons est une œuvre citoyenne parce que l’Etat a prévu des dispositions en la matière, mais nous pensons qu’il faut un suivi.

Souvent, ces carrières se développent en connivence avec certaines autorités au niveau local qui en profitent sans que l’Etat ne soit au courant. Nous pensons que c’est une œuvre utile que nous faisons avec les moyens de bord. Il faut maintenant que les autorités compétentes qui sont suffisamment alertées sur les différents cas agissent véritablement pour que le problème soit réglé une fois pour de bon.

Et c'est là où nous exprimons notre mécontentement et notre déception face au laxisme des autorités compétentes, ce qui, à notre avis, favorise le phénomène.

Par exemple suite à nos dernières sorties médiatiques, nous avons été contactés par la direction générale des mines et de la géologie. Mais certaines des carrières que nous dénonçons et que les responsables de cette direction reconnaissent illicites et illégales continuent toujours de fonctionner alors que promesse nous a été faite par rapport à leur fermeture.

Je donne l'exemple précis d'un vaste terrain entre Djagblé et Avéta où un individu sans aucune procédure légale a entreposé du sable en grande quantité qu'il va chercher en brousse et qu'il revend sur le site en question. On nous a dit qu'on allait fermer ce site, mais trois semaines après, nous avons effectué un tour dans la zone, on a remarqué que l'activité de vente de sable bat son plein sur le site. Nous sommes vraiment déçus par cette attitude paradoxale de l'autorité.

Nous avons été également contactés par l'Agence Nationale de Gestion de l'Environnement (ANGE) et nous attendons vraiment d'être reçus pour partager avec les responsables le constat fâcheux que nous réalisons sur le terrain.

Il faut signaler que les syndicats des transporteurs jouent aussi un très mauvais rôle dans la prolifération des carrières sauvages. Selon nos enquêtes, ces syndicats poussent eux aussi comme des champignons et sont d'ailleurs, les instigateurs parce qu'ils vont même démarcher des terres auprès des communautés à qui ils proposent l'exploitation de sable sans une procédure environnementale et minière. Puisqu'ils ont des taxes qu'ils perçoivent sur chaque camion chargé. Nous avons également saisi le ministère des Transports sur cette situation à travers un courrier.



Qu’en-est-il des impacts sur la vie des populations ?

Il s’agit d’un drame socio-environnemental dans ces localités du moment où c’est de grosses fosses qui sont créées au beau milieu des champs et délaissées à la fin de chaque exploitation.

Souvent, ces carrières sont à quelques mètres de la voie principale. Il n’y a pas de contrôles de circulation. Même au niveau des fosses, il n’y a pas de panneau de signalisation pour dire qu’il y a un danger. Avant l’exploitation du sable, il y a l’abatage anarchique des arbres alors que ces zones regorgent de terres fertiles sachant que les populations vivent essentiellement de l’agriculture. Le développement anarchique des carrières de sable fait perdre des terres cultivables.

Or le code minier dit qu’après chaque exploitation minière, il faut réhabiliter le site. Dans toutes ces villes et villages que nous venons de citer, les fosses sont délaissés sans aucune forme de réhabilitation.

Dans ces carrières, il n’est même pas rare de voir aussi des enfants qui sont à la lisière des grosses fosses de même que des ouvriers sans uniformes de travail (bottes, casques, entre autres).

Est-il vraiment difficile de sanctionner les entreprises qui ne suivent pas la réglementation ?



C’est vrai qu’il y a le besoin en sable, mais cela ne doit pas faire perdre de vue les dégâts sur le plan environnemental et social. Ces fosses dont nous parlons deviennent des lacs artificiels en saison pluvieuse avec des moustiques qui y pullulent. Il y a aussi des maladies qui se développent. Nous pensons que les populations ont besoin de faire une activité et de survivre, mais il faut respecter la loi. Si on veut s’aventurer dans le domaine, il faut nécessairement suivre les règles qui régissent le domaine.

Si vous voyez des carrières illégales où des services étatiques vont percevoir des taxes, cela rend la tâche plus difficile.

L’étape de sensibilisation est passée. Il faut sévir vis-à-vis des acteurs véreux qui ne veulent pas suivre la réglementation. Il faut obliger les citoyens à respecter la loi.

Quelles sont les propositions que vous avez pour venir à bout de ce mal qui ronge les populations ?

Nous pensons que l’Etat doit analyser la situation et voir les mesures à adopter. Les carrières qui n'ont pas respecté la procédure en vigueur doivent être fermées. L’Etat peut aussi créer des carrières. Nous pensons que c’est la meilleure des solutions. C’est des propositions à analyser. Il y a même des cours d’eau qui peuvent être dragués pour faire face aux besoins. Des fois, l’Etat est obligé de débourser des fonds pour le dragage du sable des cours d’eau. Il faut penser à des solutions de ce genre.

Votre mot de la fin

Je voudrais remercier iciLome pour l’opportunité. C’est un combat citoyen que nous menons. Il faut expliquer ces dangers aux populations. Il faut expliquer aux populations les impacts négatifs que les carrières illégales ont sur leur vie. Et la Presse a aussi son rôle à jouer.