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Producteurs et commerçants asphyxiés par la crise des prix dans la filière anacarde

Togo - Societe
La demande est calme mais l’offre abonde dans la production-vente de la noix de cajou brute. Le Togo est l’un des producteurs de cette noix, mais comme la plupart des pays africains, la quasi-totalité est exportée pour être transformée à l’extérieur. Du coup, la commercialisation reste la seule industrie qui fait parler d’elle dans le secteur. Dans un tel environnement, quand les prix sont malades, c’est tous les secteurs qui éternuent. Crise mondiale, dira-t-on, certes. Mais trop facile comme réponse quand on sait qu’ici et là, les autorités font tout pour que les acteurs d’une filière pourtant née pour rayonner ne soient pas les brebis sacrificiels d’un problème qu’ils n’ont pas forcement créé et sur un autre plan ils réfléchissent pour convertir les difficultés en atouts économiques. Qu’est-ce-que la noix de cajou, quelle est la crise, que font les autorités et où en sommes-nous au Togo ? Quels sont les atouts économiques de ce secteur peu connu, ou du moins très négligés des autorités. Et pourtant une filière qui supplante assez de secteurs clés chez les voisins ? De Dapaong au port de Lomé en passant par Tchamba, d’un acteur à l’autre, la rédaction de votre journal a pointé son nez pour vous en informer.
La noix de cajou, c’est un fruit sec produit par l’anacardier. Principalement cultivé au Brésil et en Inde, sur le plan mondial, la côte d’Ivoire passe pour le premier producteur avec 750.000 tonnes en 2018. Faute de structures adéquates pour sa transformation locale, la quasi-totalité de ce fruit très prisé est exportée. Tous petits villageois d’un environnement producteur comme Assoli, plus qu’un amuse-gueule, la noix de cajou cuite loin des regards hostiles, était pour nous un aliment malgré l’opposition souvent radicale des parents. On ne croyait pas avoir raison très tôt sur les vertus de ce mal nécessaire, nous y sommes. Il est présentement au rendez-vous dans grandes tables, au supermarché à Lomé, la bouteille d’un litre s’arrache à prix d’or, 6000 à 7000F CFA. Qu’est-ce qui fonde donc sa valeur nutritive et donc marchande ? Noix du Brésil pour les uns, noix de pécan pour les autres, pistache ou encore noix de cajou plus près, ce fruit sec est très prisé pour ses valeurs nutritives. A la lumières de nos recherches, les noix de cajou sont excellentes pour la santé et représentent une source de bienfaits à l’organisme. Les lipides sont des corps gras et en temps normal, leur fonction est d’approvisionner l’organisme en éléments graisseux, mais ces derniers sont responsables de l’augmentation du poids, une évidence. Seulement, il existe bien une large fourchette entre mauvaises graisses et graisses essentielles. La noix de cajou appartient à la famille des fruits à écale et oléagineux. Parmi tous les fruits appartenant à cette catégorie, c’est de loin le plus nutritif et le moins riche en lipide. Par ailleurs, « l’acide gras contenu dans ce fruit est de la forme mono-insaturée ». Cette graisse est reconnue comme un frein à l’augmentation du taux de cholestérol LDL (dit mauvais) tout en préservant celui du bon cholestérol (HDL). Les lipides mono-insaturés qui composent 60% des noix de cajou jouent un rôle vital et essentiel pour nos cellules et leur fonctionnement. Ils transportent les vitamines liposolubles et contribuent à la production d’hormones sexuelles. Ils améliorent l’assimilation des protéines et des hormones dans la circulation sanguine. Est-il également important de mentionner que la noix de cajou est riche en cuivre ? Cette dernière favorise l’absorption de la vitamine C et du fer.

Les grignoteurs se demandent s’il est possible d’apaiser sa faim à juste quantité ? Un régime avec des noix de cajou peut réduire nos envies de grignotage et en conséquence, nous aider à maigrir. La qualité des nutriments qui composent ce fruit à écale satisfait les plaisirs gourmands grâce à sa saveur délicieuse et sa capacité à rassasier. Il faut préciser toutefois qu’ « une portion, soit 20 noix à l’équivalent de 170 calories suffit pour compléter la ration journalière » aux regards des recherches crédibles publiées. Aux résultats de ces études crédibles, les noix de cajou auraient les vertus de renforcer et d’assouplir les parois des cellules de l’intestin. La noix de cajou, c’est un carrefour du magnésium, du cuivre, du phosphore, du zinc, du fer, du sélénium, des vitamines E, K, B1, B2 et B6, ainsi que de la vitamine B9 et de l’acide pantothénique.

Autant de nutriments essentiels au bon fonctionnement de notre organisme :

« La vitamine B5 joue un rôle important dans la fabrication des neurotransmetteurs et des hormones stéroïdiennes.

La vitamine B6 participe à la formation des globules rouges, au bon fonctionnement du système immunitaire et intervient dans le métabolisme des acides gras et des protéines.

La vitamine B2 contribue au métabolisme de l’énergie, au développement et à la réparation des tissus ainsi qu’à la synthèse des hormones.

Le sélénium travaille en synergie avec une enzyme anti-oxydante et aide ainsi à éviter la formation des radicaux libres.

Le cuivre est indispensable à la production du collagène et de l’hémoglobine.

Le zinc contribue aux réactions immunitaires et joue un rôle important dans la cicatrisation des blessures ainsi que la production du matériel génétique. Consommer la noix de cajou régulièrement permettrait donc de nourrir le corps et de prévenir les carences alimentaires.

Les noix de cajou sont riches en phytostérols, des substances à la structure similaire à celle du cholestérol. D’après une méta-analyse, ayant réunis plus de 40 essais cliniques, la consommation quotidienne de 2 g de phytostérols peut diminuer les niveaux de mauvais cholestérol de 10%.

Cet oléagineux contient aussi beaucoup d’acides gras connus pour être bénéfiques à la santé cardiaque, parce qu’ils peuvent réduire le taux de mauvais cholestérol quand ils se substituent aux acides gras saturés et peuvent prévenir l’oxydation de ce type de cholestérol. Un fruit qui soulage de la dépression. Il a été scientifiquement prouvé que les noix de cajou peuvent aider à réduire les épisodes dépressifs. Cet effet antidépresseur revient principalement au tryptophane contenu dans les noix de cajou. Il s’agit d’un acide aminé précurseur de la sérotonine, un neurotransmetteur qui régule l’humeur et qui, présent en taux faibles dans l’organisme, peut conduire à un état dépressif. Plusieurs études ont démontré que de fortes concentrations de tryptophane dans le cerveau stimulent la synthèse de sérotonine, ce qui aiderait beaucoup à soulager la dépression. Bref, le produit est un fruit rare longtemps banalisé voir craint dans nos milieux.

Au Togo, il est produit du nord au sud, mais la région centrale, principalement la zone de Tchamba-Sokodé, regorge d’une grande capacité de production. La filière traverse une conjoncture que les décideurs ne regardent pas d’une même intention d’un pays à l’autre. Au Burkina Faso et au Nigeria par exemple, les prix ont baissé mais la chute n’a pas été brutale et les producteurs ont réussi à vendre la majorité de leur production. Au Togo, déjà en 2017 la crise donnait une odeur. Mais personnes ne croyait qu’ « entre 900 et 925 FCFA/kg (1,5-1,54 USD/kg) pour un KOR moyen de 40-44lbs », c’était encore la bonne époque. Les commerçants quant à eux proposaient alors entre 975 et 1025 FCFA/kg (1,63-1,71 USD/kg). Le langage d’une certaine dépréciation de valeur circulait déjà et le secrétaire général de l'Interprofession de la filière anacarde au Togo attribuait cette baisse de la qualité des noix à certaines mauvaise pratiques post récolte et la non réglementation du marché du cajou au Togo.
''En effet, il a été reporté que bon nombre des producteurs face à la forte demande n'attendent pas que les noix tombent avant de collecter. Cela a ainsi perturbé le cycle de production de plusieurs anacardiers dont le rendement cette année semble être faible comparativement à la saison précédente ». Ainsi regrettait déjà M. Richard Secrétaire Général de l'Interprofession en 2017. Mais plus on avance, plus la crise se durcit. Présentement, tous les acteurs sont en sérieuses difficultés, nous avons tendu le micro à certains. Et contrairement aux apparences, derrière ce secteur se cachent assez de barons qui y ont trouvé un reposoir à leur sous. Mais au même moment, l’honnêteté voudrait qu’on reconnaisse que cette reconversion donne du travail, une œuvre en réalité à saluer. Mais que ce passe-t-il présentement ?

Parole aux victimes

Nous avons déplacé la rédaction vers des acteurs, et puisque tout est politisé au Togo, ils ont parlé derrière les rideaux.

« Concernant la situation sur la filière de l’anacarde dont tu m’as posé la question, nous achetons les anacardes il y’a longtemps, sinon cette filière nous aide et aide aussi les paysans. Les gens se sont beaucoup lancés dans cette activé très rentable. Sans vous mentir, elle procure aussi beaucoup de l’argent. Par exemple ça permet à un jeune de construire et de se payer une moto. Il n’y a rien à faire ici à part cette activité, ça nous a sauvés. Il fut un temps beaucoup de personnes ont découvert l’intérêt de cette activité, mais personne ne se plaignait de ce que le marché soit bondé d’opérateurs. Mais depuis l’année passée jusqu’à l’heure où je vous parle, tout a changé d’une manière négative. Nous avons acheté les anacardes à 1000 FCFA auprès des paysans mais pour les revendre à nos partenaires, ils disent vouloir payer ça à 800, 600 voire 500 vraiment c’est gâté ». Un autre intervenant de rebondir : « Nous avons dit que cette année 2018-2019 ne serait pas comme l’année 2017-2018.

Malheureusement le problème de cette année est pire. Moi qui vous parle, je suis le fils d’un chef traditionnel, je suis acheteur. Nous avons contracté des prêts auprès des banques et micro finances, de même que avec nos frères de la diaspora. Ils nous envoient de l’argent pour acheter les graines d’anacarde. Nous avons beaucoup acheté et c’est l’Etat même qui a fixé le prix à 400 FCFA et nous avons fait un grand stock. Après, l’Etat a fait payer aussi à 500 FCFA et nous avons fait de grands stocks dans les magasins et brusquement le prix a chuté à 250 et 200 FCFA. Sans vous mentir, à l’heure où je vous parle, nous sommes accablés par les dettes puisque tu peux faire une dépense de 10.000.000 FCFA pour faire les achats et en contrepartie tu revends ça à 5.000.000 FCF. Vous-mêmes vous voyez, comment feras-tu pour t’acquitter des prêts dans ces conditions ? Des amis sont en prison, d’autres ont quitté le pays. Les plus malheureux ont fait des crises d’AVC et sont paralysés».

Un peu plus loin, une autre voix résonne, « Nous avons espéré que ça va changer mais malheureusement ça n’a jamais changé et on était obligé de vendre à 250 FCFA. Quand je vous parle actuellement, dans notre village ici, nous qui achetons les anacardes, nos dettes nous dépassent. Et quand je parle, je ne parle pas seulement d’un problème spécifique à notre secteur ici mais de toutes les régions où se cultive de l’anacarde. Tout le monde se pleins de cette situation. Jusqu’ici nous ne savons pas d’où vient le problème, d’aucun disent que c’est l’Etat, d’autres affirment aussi que c’est l’augmentation des taxes ou encore c’est les acheteurs eux-mêmes qui sont à l’origine du problème. Une chose est sûre, ici au Togo, les taxes ont trop monté pour les exportateurs aussi et c’est ce qui nous handicape en bonne partie. Quand cela s’est passé comme ça, ils sont vénus organiser une assise. L’objectif est de diminuer les taxes pour que cela puisse marcher. Hélas, l’Etat togolais a refusé et cela fait que nous sommes beaucoup endettés. La population s’est beaucoup endettée et elle ne sait plus quoi faire puisque nous n’avons pas encore trouvé l’argent pour rembourser nos prêts dans les banques et aussi ce que nos frères de la diaspora nous ont prêté pour faire les achats. Sinon c’est les problèmes que nous vivons actuellement cela fait même que si on t’appelle au téléphone tu ne peux pas décrocher par peur de créanciers ».

« Ce qui nous a plus gêné, ils savent qu’ils ne viendront pas faire les achats sur 500 et 400 FCFA mais nous ne savons pas pourquoi ils ont fixé le prix jusqu’à 400 FCFA. Puisque les gens ont fait des achats sur 400 voire 450 FCFA en grande quantité. Vous voyez est-ce que c’est bien comme ça de fixer le prix et après venir changer à leur gré ? Voilà le problème auquel nous sommes confrontés non seulement nous les acheteurs mais nos parents qui cultivent les anacardes.

Lorsque le prix est à 500 FCFA, même si tu n’as pas beaucoup fait de champ, si tu récoltes un sac, tu peux te faire payer 1OOkg de maïs à 40 000 FCFA. Cette activité a permis à beaucoup de vieux de se faire acheter des motos et laissé leur vélo, ça a permis aussi à beaucoup de construire des maisons, de faire le pèlerinage. A leur où je vous parle, personne ne peut plus prendre son argent pour faire le pèlerinage au risque de devenir plus pauvre puisque nous avons de stocks mais le prix n’est pas favorable pour qu’on puisse vendre et gagné de l’argent. Nous avons beaucoup de stocks qui dorment dans les magasins ». A la lumière de certaines de nos sources d’investigations, « on soupçonne les indiens qui investissent beaucoup dans la filière de l’anacarde ». Une autre source affirme qu’au départ, les pays transformateurs n’étaient pas producteurs, mais le prix a chuté parce chez ces transformateurs, les anacardes ont commencés par produire car ils ont connu la culture. L’Inde et le Vietnam ont eu de bonnes récoltes localement et ils ont démarré la campagne 2018 avec des stocks de la saison précédente». Des sources nous ont fait savoir que la spécificité togolaise est allée au-delà de ce que pense l’opinion répandue. « Au Togo, on attribue aussi la chute des prix à des motifs politiques. L’objectif est de faire chuter les prix afin de réduire la marge de manœuvre à cette frange de producteurs dans une région hostile au régime, la région centrale ». « Il faut comprendre que c’est une chute générale puisque le commerce dépend de l’offre et de la demande et que l’offre est plus grande que la demande, ça fait qu’il y a eu chute », a observé un analyste. « Le Togo n’est pas le seul pays producteur de l’anacarde, la Côte d’Ivoire connaît le même phénomène et à côté les Béninois aussi. Et les acteurs du Bénin venaient pour vendre leur produit au Togo et jusqu’alors le prix du kilo de l’anacarde au Benin est inférieur à celui du Togo. Donc c’est le prix mondial qui chute et c’est ça qui a beaucoup influencé les producteurs, les acheteurs etc. » Nos journalistes sont tombés sur un acheteur qui se plein en ces termes : « Chacun a reçu un sérieux coup et pour preuve j’ai acheté à 500 FCFA et allé revendre à Lomé. Arrivé on me propose d’abord 450 FCFA et j’ai voulu attendre dans l’espoir que les prix grimpent, mais le pris a chuté jusqu’à 350 FCFA ; de peur de voir le kilo revenir à 250, j’ai dû vendre à 350 FCFA, ce qui me valait une dette qui tournait autour de 5 000 000 FCFA. En réalité, les producteurs n’ont pas trop de problèmes mais c’est les acheteurs qui vont prendre l’argent dans les micros-finances et comme les prix ont considérablement chuté, ils ont la peine à rembourser l’argent qu’ils ont pris. Voilà d’une manière ramassée ce qui se passe ». La thèse de la chute mondiale qui est à l’origine du problème est bien crédible. Toutefois, chaque pays a pris des dispositions pour protéger sa population concernée. Que fait l’autorité togolaise ? Réviser à la hausse les taxes sur le produit quand le secteur se porte bien et de refuser toute réduction de ces taxes pour juguler la crise ?

Tendance baissière et solution au cas par cas

La tendance sur le marché est baissière quand on parle de la noix de cajou. Le premier producteur et exportateur mondial, la Côte d’Ivoire n’est pas à l’abri. De nos informations racolées auprès de quelques rédactions ivoiriennes, à un moment donné, la qualité est un peu moins bonne avec des producteurs comme la Côte d’Ivoire, le Ghana en raison en partie des fortes pluies qui se sont abattues. Après plusieurs campagnes haussières comme l’ont témoigné quelques acteurs, les producteurs ont démarré la campagne 2018 avec une attitude très spéculative. En côte d’Ivoire est installée une politique qui incite à développer la transformation locale. En 2018, « …la Côte d’Ivoire a mis en place une procédure selon laquelle un exportateur est obligé de faire une offre de vente aux transformateurs avant d’exporter. Normalement, les exportateurs doivent réserver 15% des volumes exportés aux transformateurs. Ainsi quand ils veulent exporter par exemple 1000 tonnes, ils doivent mettre aux enchères 150 tonnes pour les transformateurs. Il y a un certain délai pour la réponse ». Tout en prenant les dispositions, la transformation pourrait tirer son épingle du jeu, dans certains pays. La situation est favorable à la transformation avec des prix plus bas et une offre abondante. Contre une seule unité de transformation au Togo, on dénombre dix entreprises de transformation en Côte d’Ivoire, deux grandes usines au Bénin, quatre au Burkina Faso et deux au Ghana. Au Togo, dans la ville de Tchamba, un opérateur privé se bat depuis avec la seule unité de transformation du pays, « Cajou Espoir ». Lui ; c’est Francois Locoh-Donou, il s’est inspiré du Bénin, et « Cajou Espoir » est née en 2004 dans le grenier de la production anacardière du Togo :Tchamba. De 40 employés qui transformeront 12 tonnes de noix de cajou en 2005. Le développement exemplaire de cette petite PME a aussi convaincu les financiers de la BIDC, la Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO qui, pour soutenir son développement, lui a accordé une attention financière qui lui permet actuellement des centaines d’employés comme pionnier de la transformation d’une filière reléguée aux calendes grecque.

Tout comme partout ailleurs, plusieurs exportateurs et négociants de noix ont, par des actes peu recommandables mis à mal le processus de commercialisation, à travers des prix dérisoires payés aux producteurs. La noix de cajou connaît depuis quelques années un développement remarquable du fait de sa culture relativement simple et des faibles coûts de production. La production de noix de cajou est en constante progression de 10% par an en moyenne. L’Etat togolais devant le constant en a assez vanter les mérites avec ce qui est appelé indicateurs encourageants : « L’existence d’une volonté politique affirmée à travers les études et les accompagnements en faveur des producteurs. L’existence d’un marché porteur en croissance (national et international). L’existence des zones traditionnelles de production d’anacarde et potentialités d’installation. L’émergence d’entreprises de transformation. L’accompagnement soutenu des partenaires au développement ». Ce secteur venté a le vent en poupe mais il trébuche et l’Etat est le premier à se désengager.

En Côte d’Ivoire par exemple, quand les autorités ont venté le produit, certains planteurs ont arraché les caféiers, cacaotiers sur de vastes superficies pour y planter des anacardiers, au Togo le secteur n’a pas croisé les bras. Mais pour un pays à transformation locale embryonnaire, que fait-on pour protéger le marché et ses acteurs ? Pas grand-chose, tout ce qu’on sait est que, à un moment donné, l’Etat a fait un constat : « la filière est porteuse ». Conséquemment, Agadazi Ouro Koura, alors ministre de l’agriculture a fait un rapport et les taxes ont été revus à la hausse. En ce qui concerne l'offre et la demande, certes, elle est aussi liée au marché international, mais est-ce que l’autorité togolaise s’est demandée quels sont les stocks déjà vendus et quelles sont les quantités invendues que traînent les paysans et acheteurs sur fond de frais de stockage et autres risques.

Ici la République n’intervient que pour les secteurs qui se portent bien, quand il y a un souci, les risques sont aux audacieux qui entreprennent. Voilà un négoce dont les règles sont fixés par l’Etat sans prendre les dispositions pour voir jusqu’à quel point ce secteur peut être à l’abri des spéculations. Au finish, le secteur plonge et l’Etat s’en lave les mains quitte à s’inviter de nouveau quand il va reprendre du souffle. En Côte d’Ivoire, c’est tout un organigramme qui gère et encadre la filière. C’est ainsi qu’il existe un Conseil du Coton et de l’Aanacarde dont le président du Conseil d'Administration est Bamba Madou. Même si les acteurs estiment la mesure insuffisante, l’Etat au cœur de la crise, a annoncé la réduction du taux du Droit Unique de Sortie (DUS) appliqué aux exportations de la noix de cajou. Celui-ci est passé de 10% à 7% du prix CAF (Coût, assurance et fret). Cette mesure prise dans l’urgence était destinée à augmenter la marge des exportateurs, dans le but d’inciter ces derniers à acheter leurs produits aux planteurs. Sur un autre plan, les autorités cherchent les voies et moyens pour racheter et mettre à la disposition des débouchés qu’elles sont en train de négocier. Dans des pays comme la Guinée Bissau, l’Etat a délibérément interdit l’exportation en attendant que des solutions soient trouvées pour éviter le bradage des stocks. Il faut dire en passant que la Guinée-Bissau, est la troisième source de noix brute au monde (200 000 tonnes l'an dernier), après la Côte-d'Ivoire et la Tanzanie, respectivement premier et deuxième stock mondial.

Au Bénin voisin

Au Bénin, on compte emboiter le pas à la Côte d’Ivoire où l’esprit planteur est né depuis feu Boigny. Visionnaire à l’époque, au moment où au Togo toute la prospérité se résumait à la bonne santé de l’animation populaire, le défunt président avait institué une règle selon laquelle, « s’ils voulaient avoir de l’avancement, les fonctionnaires avaient intérêt à être propriétaires d’une plantation de cacao ou de café au village ». C’est ainsi que la Côte d’Ivoire est devenue le premier producteur mondial de cacao. Un exploit qu’elle vient de réitérer avec l’anacarde. Le Conseil des investisseurs privés au Bénin (CIPB) organisait a donné son analyse de l’avenir de l’anacarde au Bénin. Parti du constat que « La filière anacarde est le troisième pilier de l’économie béninoise », les opérateurs économiques ont fait une analyse. L’étude présentée a confirmé que la filière constitue un enjeu majeur pour l’avenir du pays. Si le Bénin fait passer sa production annuelle à 300 000 tonnes de noix brutes de cajou (NBC), dont la moitié sera transformée, d’ici à 2021, cela générera des revenus pour les producteurs et transformateurs, estimés à 285 milliards de F CFA [près de 435 millions d’euros]. Soit 120 milliards liés à l’exportation de 150 000 t de NBC, auxquels s’ajoutent 165 milliards tirés de l’exportation des amandes issues du décorticage de 150 000 t de NBC. Il faut remarquer que le voisin outre le fruit sec transforme à l’échelle industrielle l’amande de l’anacardium.

Mieux, si l’on prend en compte la valorisation de la pomme et du charbon végétal issu de la carbonisation des coques, ainsi que la vente du baume de cajou extrait de la coque (qui peut être utilisé dans l’industrie aéronautique), le montant total des revenus de la filière pourrait s’élever à 300 milliards de F CFA – bien au-dessus des 170 milliards que rapporte actuellement la filière coton, sur la base d’une production de 450 000 t de coton-graine.

Cette forte augmentation de la contribution de la filière cajou au PIB aurait un profond impact sur l’ensemble des activités du pays, depuis les banques (qui devraient financer les investissements et crédits), jusqu’aux opérateurs portuaires et maritimes, en passant par les sociétés d’assurance, de logistique, de transit, de télécoms, etc. Il est clair que l’anacarde constituerait donc le troisième pilier de l’économie nationale, aux côtés du port de Cotonou et du coton.

Pendant que le secteur privé fait ces études prévisionnelles, le gouvernement du Président Patrice Talon au cours de sa session ordinaire du conseil des ministres du mercredi 6 mars 2019 a fixé « le prix planché d’achat aux producteurs à 400 FCFA/kg contre 650 FCFA pour la campagne précédente. Au regard des expériences passées, les opérateurs économiques, déjà en activité sur le terrain sur le marché noir, peuvent avoir les coudées franches pour opérer en toutes quiétudes. Il urge alors que des mesures d’accompagnement soient prises pour aider à une bonne commercialisation au titre de cette campagne 2018-2019 pour la préservation des intérêts des producteurs, des transformateurs et ceux des exportateurs ».

Selon le gouvernement, « les statistiques d’organismes spécialisés dans le domaine indiquent qu’il existe encore sur le marché mondial environ 400.000 tonnes de stocks résiduels dont 45.000 en Afrique de l’Ouest et 7.500 au Bénin. A ce stock, s’ajoutera une production mondiale en 2019 estimée à 3.765.000 tonnes. D’où la nécessité de s’adapter au marché pour préserver les intérêts des producteurs ». Il faut aussi noter que l’exportation de noix de cajou par voie terrestre, précise le Conseil, est interdite. Le Bénin est actuellement 4e fournisseur africain de la noix de cajou.

Au Togo, les autorités ne se font même pas le devoir de donner, ne serait-ce que des explications rigoureuses, afin que l’opinion comprenne et que les acteurs aient un soulagement moral d’une souffrance prise en compte par un Etat responsable. Nous avons choisi de renoncer à toutes nos obligations régaliennes liées à la filière. Encore faut-il que les autorités soient elles-mêmes informées de ce qui se passe. Diriger un pays ce n’est pas se réveiller avec le soleil et se coucher avec lui dans l’espoir de tomber sur des secteurs porteurs à taxer. Même si cela arrivait, celui qui ne sait pas où il va ne peut trouver du vent favorable. C’est ainsi qu’alors que le Togo vente son port d’être l’unique en eaux profondes, ce dernier d’ailleurs en faillite ne sert qu’aux trafics pendant que le port de Cotonou est la première source de revenu du pays devant le coton.

Diriger c’est aussi s’informer et informer les acteurs de toute activité successible d’être porteur. C’est ainsi que faute d’information, quand la mévente a commencé au Bénin où les acteurs ont vite su que la crise est universelle, des vendeurs sont venues se débarrasser de leurs marchandises au Togo où les gens ont acheté faute d’informations pour anticiper sur la crise. Certes, la commercialisation de l’anacarde bat de l’aile, le problème est plus général que spécifique au Togo, il n’est pas créé par monsieur Faure Gnassingbé moins encore ses ministres. Mais les pays responsables ne croisent pas les bras pour s’en remettre au fatalisme du marché. Ici et là, on encourage les producteurs à garder leur sérénité et à ne pas brader leurs produits ; on invite les acteurs à dénoncer auprès des services compétents toutes les personnes qui ne respectent pas les décisions prises par le gouvernement et en particulier les prix validés par les voix autorisées. Les Gouvernants s’engagent à créer et créent les conditions de la transformation locale de la noix de cajou, une des solutions pour pérenniser et consolider les acquis de la filière.

Nous avons recueilli des témoignages qui montrent à suffisance comment le secteur a assez reformé la vie des populations à la base. Mais, malgré la forte paupérisation de nos parents en crise depuis que la culture tâtonne, aucune mesure sérieuse n’est prise par le Gouvernement pour trouver des solutions durables à cette situation qui perdure depuis la campagne 2018. C'est aussi ce que ca donne quand un pays decide de ne pas avoir d'institutions fortes.

Pour cette saison 2019, si le prix du kilo est fixé bord champ à 400 FCFA au Togo, il était à 375 FCFA par Kilogramme en Côte d’Ivoire. Mais quand nonobstant cette règlementation, les prix proposés aux braves producteurs sont tombés entre 100 et 250 FCFA selon les localités, tous les acteurs de la vie publique ont pris à bras le corps le problème. Le Groupe parlementaire PDCI-RDA, Parti fondé sur les bases du Syndicat Agricole Africain, ne fait pas de mystère de son engagement devant les parlementaires:

« Dans cette perspective, comme pour l’affaire du riz avarié, le Groupe parlementaire PDCI-RDA adressera une question orale avec débat au Ministre de l’agriculture et du développement rural et à son collègue de l’Industrie sur la commercialisation et l’industrialisation dans la filière anacarde afin que tous les Ivoiriens soient informés sur la gouvernance de cette importante filière». Où en est-on au Togo, que fait l’Etat, les parlementaires, quel est la gravité de la crise actuelle, quelles sont les pistes de solution possibles ? Bon à suivre.

Dossier de Meme et Younus/Le Rendez-vous