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La croisade identitaire : l’interdiction illégale du voile musulman par l’Institution Sainte-Jeanne-d’Arc à Dakar

Togo - Opinions
En interdisant le port du voile aux élèves musulmanes, l’école catholique Sainte-Jeanne-d’Arc à Dakar se livre à une délinquance législative et pénale qu’il faut immédiatement sanctionner. En récidivant dans cette velléité religieuse, dans un pays où la quasi totalité de la population est musulmane, l’Eglise catholique semble se lancer dans une croisade contre l’Islam au Sénégal. Par cette prohibition illégale du voile musulman, cette institution remue l’esprit des jihads et croisades sanglants du moyen âge. Les expéditions guerrières prêchées par le pape pour bannir l’Islam de l’empire chrétien, de même que le jihad armé musulman, ne doivent être réinventées sous quelque forme que ce soit.
De la tolérance religieuse à Saint-Jean-d’Acre à la discrimination religieuse à Sainte-Jeanne-D’Arc.
A la fin du 12ème siècle, lors des sièges de Jérusalem et de Saint-Jean-d’Acre pendant la troisième croisade, Saladin (Sultan musulman) aurait pu écraser les chrétiens après sa victoire sur les croisés. Mais il leur laissa la vie sauve, leur permit de conserver leurs biens et leur laissa le Saint-Sépulcre. Alors que Saladin permettait aux chrétiens vaincus d’observer leur foi catholique derrière les murs de Saint-Jean-d’Acre ; les filles musulmanes sont discriminées à Dakar derrière les murs de l’école catholique Sainte-Jeanne-d’Arc. Il ne faut pas ressusciter les croisades en jouant avec le feu de l’intolérance religieuse.

L’institution Sainte-Jeanne-d’Arc viole la loi et doit être sanctionnée.
L’institution catholique Sainte-Jeanne-d’Arc est coupable de violation de droits fondamentaux, et d’incitation publique à la haine et à la discrimination religieuses. Elle doit être fermée si elle ne met pas un terme immédiat à cette grave transgression pénale. Conformément l’article 12 de la constitution sénégalaise, l’Etat sénégalais est tenu d’ordonner la fermeture de l’institution Jeanne d’Arc à partir du moment où son activité éducative viole la constitution, les instruments juridiques internationaux, les lois pénales, les libertés individuelles et l’ordre public.
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L’institution Sainte-Jeanne-d’Arc fait un amalgame volontaire entre éducation religieuse et éducation laïque.
Si les institutions religieuses sont reconnues au Sénégal comme des moyens d’éducation, elles doivent toutefois respecter les principes constitutionnels et l’ordre public. L’Etat sénégalais doit être vigilant sur l’amalgame fait par certaines institutions, entre leur mission éducative et leur propagande religieuse. Si l’institution Jeanne d’Arc n’était pas obnubilée par la propagande catholique, elle n’aurait pas si gravement violé le droit des élèves musulmanes d’exercer leur liberté religieuse.

Cette institution et ses « avocats du diable » pourraient être tentés de brandir l’argument de la neutralité religieuse dans les lieux d’enseignement. Or de c’est de l’absence de neutralité religieuse de cette institution qu’il s’agit. D’abord, seul l’Etat sénégalais a le droit d’interdire le port de signes religieux dans les établissements d’enseignement. Ensuite, c’est cette institution qui doit observer une neutralité religieuse dans l’enseignement laïc. Les élèves ont le droit d’exercer leur liberté religieuse telle que prévue par la loi, quelle que soit la religion qu’on veut donner aux murs de l’école. Un établissement religieux, qui dispense un enseignement laïc avec des diplômes reconnus par l’Etat ou ouvrant droit au marché de l’emploi, doit respecter les règles républicaines sur le droit à l’éducation et la liberté religieuse. Une institution RELIGIEUSE, catholique ou musulmane, ne peut pas donner un enseignement LAÏC sanctionné par des diplômes reconnus par un Etat LAÏC (Baccalauréat, Brevet, BTS, Licence, Master, Doctorat), et se donner le droit d’édicter des règles RELIGIEUESES discriminatoires contre une catégorie d’élèves. On n’est pas au Vatican ! Si l’Institution catholique Sainte Jeanne d’Arc veut bannir les musulmanes voilées de son établissement, elle doit se limiter à faire du catéchisme. Comme le ferait une école coranique qui se limite à enseigner le Coran et l’Islam, sans délivrer de baccalauréats, de masters ou de doctorats.

D‘autres illuminés diront que les institutions religieuses ne sont pas sous la tutelle de l’Etat, et qu’elles ont le droit de régler et d’administrer leurs affaires de manière autonome. Mais on parle ici de l’absence de tutelle administrative pour la gestion de leurs affaires. Aucunement d’un droit de procéder à des distinctions et des discriminations entre les citoyens, à raison de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une religion déterminée.


Quelques sénégalais musulmans, complexés ou accommodants pour ne pas déplaire à leurs amis, leurs voisins ou leurs collègues catholiques [Alors qu’il ne s’agit pas d’attaquer les catholiques, mais de défendre la neutralité religieuse de l’enseignement laïc, qu’il soit donné par des institutions religieuses ou par des écoles laïques), diront que cette interdiction du voile est légitime dans la mesure où elle s’applique au sein de l’établissement Jeanne-d’Arc. Mais cette approche conciliante et politiquement correcte, agrémentée d’un vœu d’unité nationale, aura l’effet pervers de justifier des discriminations, la distribution de la haine religieuse, la violation de la loi ; et de légitimer l’intégrisme religieux. Cela reviendrait non seulement à démettre l’Etat de son pouvoir régalien, mais encore à justifier des transgressions des droits fondamentaux et de la loi pénale, au nom du culte : L’institution Sainte-Jeanne-d’Arc aurait alors le droit d’imposer aux élèves musulmans de manger du porc, tant que cela se passe au sein de son établissement. Boko Haram aurait ainsi le droit d’ordonner le mariage forcé de fillettes de 10 ans, tant que cela se passe au sein d’une de ses dépendances cultuelles. Les prêtres pédophiles auraient le droit d’abuser sexuellement d’enfants, tant que cela se passe au sein d’une paroisse. La loi de la République s’applique sur tout le territoire national, et aucune zone de non droit, aucune autorité concurrente, aucune juridiction parelle, ne doivent être tolérées.

L’Etat sénégalais ne doit pas frémir devant cette usurpation de souveraineté.
Dès le premier paragraphe du préambule de la constitution du Sénégal, il est proclamé que le peuple sénégalais est souverain. Mais comme disait Wolé Soyinka, il ne suffit pas de proclamer sa tigritude pour être un tigre. Il faut l’incarner. Il ne suffit pas de proclamer dans la constitution l’inaltérabilité de la souveraineté nationale. Il faut agir immédiatement et avec force contre toute personne ou entité qui piétine cette souveraineté. C’est un devoir constitutionnel du chef de l’Etat sénégalais et de son gouvernement, d’assurer l’égalité des citoyens dans l’exercice de la liberté de culte. L’institution catholique Jeanne-d’Arc usurpe la souveraineté du peuple sénégalais qui, seul, par référendum ou par la voie de ses représentants légitimes, a le droit d’édicter des mesures restrictives des libertés fondamentales. En ce sens, l’article 3 de la constitution sénégalaise dispose qu’aucune autre entité ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté.

De l’islamophobie décomplexée à l’islamophobie audacieuse.
L’Institut Jeanne d’Arc bénit le port du voile par les sœurs catholiques, mais interdit le port du voile par les musulmanes. C’est ahurissant !
Or la sœur catholique comme l’élève musulmane mettent toutes deux le voile pour pratiquer leur foi.  Donc c’est l’Islam qui pose problème à cette école catholique, et non le voile en soi. L’Islamophobie est en marche en France et en Europe depuis deux décennies. Devenue décomplexée et moins incriminée que d’autres expressions haineuses, elle prend son envol. Des politiques, des religieux, des journalistes, des intellectuels, et des lobbyistes rivalisent d’audace quand il s’agit de stigmatiser et d’accabler l’Islam et les musulmans. La dernière tendance consiste à manipuler la lutte contre le terroriste et le fondamentalisme religieux, à se camoufler derrière la laïcité ou derrière la liberté d’expression pour faire avaler la pilule islamophobe.
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En France des arrêtés municipaux ont été pris pour interdire à des femmes musulmanes de se baigner sur les plages françaises avec des tenues couvrant leurs corps jusqu’aux genoux, péjorativement appelées « Burkini ». Les hommes musulmans qui laissent pousser la barbe sont stigmatisés et soupçonnés d’intégrisme religieux. Alors que les religieux juifs laissent pousser tranquillement leurs bardes, sans que cela ne choque personne. Aucun politique français ne s’est offusqué publiquement contre les accoutrements religieux ostentatoires portés par des orthodoxes juifs. Les Eglises sont financées par l’Etat au nom de la préservation du patrimoine, alors que le financement des mosquées fait l’objet de manipulations politiciennes, sous le prétexte de la laïcité et de la lutte contre les mouvances salafistes. Les mosquées ne peuvent pas faire l’appel à la prière par le muezzin, ni installer des minarets. Alors que les catholiques peuvent faire sonner les cloches de leurs églises depuis de hautes tours, et tympaniser tout le voisinage, à longueur de journée. Les prières de rue des musulmans, qui n’ont pas de mosquées adaptées aux prières du vendredi et de l’Aïd, ont été diabolisées et exploitées politiquement par l’extrême-droite. Alors que les catholiques, avec leurs processions, peuvent paisiblement faire des actes rituels dans la rue. Les chrétiens font constamment de la propagande religieuse dans la rue, devant les sorties de métro, et dans des marchés. Tandis que tout musulman qui s’y livre risque d’être poursuivi pour prosélytisme. Le voile porté par les sœurs catholiques, et la croix portée par les catholiques dans la rue et dans les lieux publics n’offensent personne. Tandis que le voile des musulmanes leur attire de la haine et de la violence verbale et physique. Les boucheries musulmanes « Halal » sont fustigées par certains hommes politiques français de Droite et d’extrême Droite. Alors que les boucheries répondant scrupuleusement au culte juif et proposant de la viande « Cacher » sont très respectées par ces mêmes politiques.
L’islamophobie est décomplexée et fait preuve d’audace et d’ingéniosité en Europe. Elle ne doit pas être tolérée dans un pays comme le Sénégal.
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Le Sénégal ne doit pas devenir un champ de jihads ou de croisades identitaires.
Ces discriminations religieuses sont inadmissibles dans une république, même si la population y est majoritairement catholique. Elles ont encore moins leur place dans une république comme le Sénégal, où la population est musulmane dans sa grande majorité. D’autant plus que c’est la tolérance religieuse, caractéristique du Sénégal, qui a permis à la petite minorité catholique d’y exercer librement son culte. Cette minorité religieuse est composée en bonne partie de sénégalais issus de l’immigration venant de pays limitrophes (Guinée Bissau, Cap-Vert), et d’étrangers venant de pays africains et de France. Il est inadmissible que les institutions religieuses de cette communauté catholique, telle l’institution Sainte-Jeanne-d’Arc, plonge le Sénégal dans des dérives religieuses, dangereuses pour la cohésion nationale et la sécurité intérieure.

Les autorités sénégalaises ne doivent pas botter en touche, et attendre que la tempête passe.
L’Etat sénégalais doit sanctionner l’institution Jeanne-d’Arc, et toute autre école (catholique ou musulmane), qui instaure la discrimination religieuse et favorise la haine. Cet établissement doit être fermé si la mesure n’est pas bannie. Le Sénégal devrait légiférer pour incriminer spécifiquement et sanctionner sévèrement toute offense délibérée à un groupe de personnes à cause de leur religion ; de même que le fait de fomenter la haine religieuse par des mesures discriminatoires.

Il y a d’ailleurs lieu de briser les murs opaques de ces institutions catholiques, pour vérifier si d’autres formes d’injustice ne s’y pratiquent pas. Par exemple des discriminations pour l’accès au stage et à l’embauche, par des réseaux catholiques qui préfèreraient recruter des élèves ou des diplômés de même confession. C’est un devoir de l’Etat et des autorités sénégalaises de veiller à la neutralité des institutions religieuses dans l’éducation et dans l’accès au marché du travail.
Leur inertie ou leur fuite de responsabilité, face à cette délinquance législative qui emporte transgression des lois pénales, favoriserait la frustration et l’expansion de la haine religieuse au Sénégal, prémices de tensions confessionnelles.
En interdisant le voile des élèves musulmanes, l’institution Sainte-Jeanne-d’Arc renoue avec le mépris religieux des missionnaires catholiques.
Nos croyances et pratiques religieuses ont été considérées par les missionnaires catholiques comme du fétichisme superstitieux, des incantations mystérieuses et des mœurs barbares. L’éviction de l’Islam dans les régions africaines où elle était déjà implantée faisait aussi partie de leur entreprise de christianisation.

Persuadés que leur religion est la seule croyance valable, ils se sont donnés la mission de civiliser les coutumes arriérées et les peuples primitifs comme les Nègres. Ces derniers, rangés au plus bas niveau de l’évolution humaine, devaient se convertir au christianisme s’ils voulaient sortir de l’obscurantisme et accéder directement à la civilisation. En devenant catholique, le Nègre accéderait, par sa nouvelle foi, au plus haut rang de l’évolution humaine. Son âme, dont l’existence fut niée par ces mêmes catholiques pour justifier ou tolérer la traite des Nègres, naîtrait d’un coup par sa simple conversion au christianisme.

Mais pour le missionnaire, l’arriération du Nègre était tellement profonde qu’il ne pouvait être directement christianisé. L’éducation laïque était alors le tremplin nécessaire pour instruire cet être rétrograde, le préserver de l’Islam, religion arriérée ; avant qu’il ne puisse accéder à la foi et au dogme chrétiens. Des écoles et séminaires catholiques ont été ainsi mis en place par les missionnaires pour extirper cet être sauvage (Selon les récits de missionnaires catholiques) de sa caverne, et le civiliser par la seule bonne religion, qui est catholique. L’éducation laïque des institutions catholiques n’était donc qu’un prétexte d’évangélisation.

L’Eglise catholique et ses institutions éducatives n’ont jamais toléré en Afrique l’altérité cultuelle et le pluralisme culturel. Pour elles, la seule voie civilisatrice pour le Nègre est la voie du Christ. Dès lors, la pratique de l’Islam, ou de toute autre croyance, est perçue comme une hérésie. C’est peut-être ce sentiment qui explique la décision illégale et dangereuse de l’institution Sainte-Jeanne-d’Arc d’exclure les élèves musulmanes voilées.

Aliou TALL.
Extrait de mon livre « J’ACCUSE l’Eglise catholique ».
(Sortie prévue en novembre 2019)
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