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La Banque centrale du Nigeria doit favoriser la réduction des inégalités : Restaurer et réaffecter les réserves de change !

Afrique - Opinions
Aucun gouvernement africain ne peut se permettre d’avancer vers le bien-être de sa population sans recourir au crédit et donc à des investissements de qualité et sans corruption. Cela suppose des efforts importants pour stimuler la création de richesses par la libre-entreprise et sa régulation. Mais il n’y a pas de croissance partagée et de productivité inclusive sans faire appel à tous les instruments permettant de stabiliser l’économie nationale. L’utilisation de la politique budgétaire couplée avec celle de la politique monétaire ne permettent pas en fait de créer de la valeur, mais d’accompagner les opérateurs économiques.
1. INDISPENSABLE INDEPENDANCE DE LA BANQUE CENTRALE
Pour opérer de manière optimale, les opérateurs économiques, publics ou privés, devraient opérer sur un marché libre, un environnement des affaires prévisible et non bureaucratique avec un Etat régulateur et une justice équitable. Ce n’est justement pas le cas des pays africains, encore moins du Nigéria.

Dans tous les cas de figures, l’indépendance de la banque centrale vis-à-vis de l’Etat est crucial. Cela ne veut pas dire que la Banque centrale dans une économie en développement ou en émergence, doit se limiter à des fonctions de stabilisation monétaire. Au contraire, s’il est vrai qu’une banque centrale ne peut et ne doit pas se substituer à l’Etat, elle peut, par ses facilitations en termes de crédit promouvoir les secteurs prioritaires d’intérêt général et de promotion du bien commun. Là encore, ce n’est pas souvent le cas en Afrique. Les Banques centrales sont souvent au service de l’Etat et donc du pouvoir central et finissent par ne soutenir que les activités des opérateurs faisant parties de l’oligarchie profitant du pouvoir. Par un effet de vases communicants, ces mêmes opérateurs, publics ou privés, soutiennent un Etat qui, en retour, leurs accordent des faveurs et de privilèges. Bref, il y a ceux qui en profitent et ceux qui subissent. La résultante est que la grande majorité des populations est laissée pour compte. Les en-bas-d’en bas ne profitent que rarement de la banque centrale. Les taux directeurs, et de surtout celui de refinancement, sont usuriers.

2. LES DIRIGEANTS AFRICAINS ONT OUBLIÉ D’EQUILIBRER LA BALANCE DES PAIEMENTS
L’Etat, s’il émerge de la vérité des urnes, devrait en principe, engager des réformes structurelles, identifier les obstacles à toutes politiques monétaires, favoriser les investissements productifs, innovants et créateurs de valeurs et d’emplois locaux. C’est en cela que toute politique monétaire d’accompagnement et de régulation de l’économie peut contribuer à assurer une gouvernance économique efficiente et non déficitaire censée et bénéficiant du soutien de l’ensemble de la population locale.

Aussi, une bonne gouvernance va supposer qu’un Etat puisse s’assurer un équilibre budgétaire au mieux annuellement, au pire en fin de mandat électif, entre 4-6 ans. Le problème est qu’en Afrique, le déficit lié à la gouvernance économique se mesure souvent par un déficit conjoncturel de type déficit commercial et équivalent à un déficit courant, alors que la répétition régulière de ce déficit s’apparente plus à un déficit structurel, créant une dépendance quasi-permanent vis-à-vis des créanciers.

L’essentiel de ces informations de comptabilité nationale se trouve dans la balance des paiements qui retrace l’ensemble des flux économiques avec différents postes, notamment les biens, les services, les revenus, les transferts de capitaux, les flux financiers au cours d’une année entre les résidents d’un pays (les ménages/particuliers, entreprises ou État) à savoir le pays et le reste du monde.

Basée sur la comptabilité double, la balance des paiements doit systématiquement rester équilibrée, les erreurs et omissions étant prises en compte. C’est le solde de la balance commerciale (importations moins exportations) qui permet de mesurer les évolutions du compte des transactions courantes dites parfois compte courant et qui récapitule le solde des échanges, lui-même scruté par le gouvernement et la banque centrale pour piloter la politique économique.

Les créanciers structurels n’ont alors plus aucun intérêt particulier à obtenir les remboursements, puisqu’il leur suffit, par un jeu d’intérêts composés exponentiels, de démultiplier la dette à l’infini et ne conserver que la dépendance. De temps à autres, pour éviter les explosions sociales après des multitudes d’ajustements conjoncturels à répétition improprement appelés des « ajustements structurels », les Etats se trouvent en totale situation de dépendance vis-à-vis des créanciers qui peuvent être des Etats, des entreprises multinationales dont les ramifications ne sont pas toujours à l’étranger. Certains dirigeants africains sont les principaux instigateurs et défendeurs du système, ne sachant pas qu’ils -ou elles- sont devenus les principaux traîtres à l’émancipation des Africains. Ils finissent par vendre des parcelles entières de la souveraineté africaine. En sont-ils même conscients ?

3. L’ETAT AFRICAIN NE DOIT PAS VENDRE SES CAPACITÉS PRODUCTIVES SANS RETOUR SOCIAL
Si un pays présente un solde commercial déficitaire avec des importations supérieures aux exportations, ce pays doit chercher à résorber ce déficit en trouvant un moyen de financer ce déficit par la dette publique auprès d’autres pays ou auprès d’institutions financières. Ces dernières comme le Fonds monétaire international, sont censées en principe fournir une assistance temporaire pour passer le cap des déficits conjoncturels liés à de la mauvaise gouvernance. A ce jour, le continent n’a toujours pas de Fonds monétaire africain même si les statuts ont été approuvés.

L’Etat se permet souvent de manière unilatérale et anti-démocratique de vendre une partie de ses actifs sous des formes les plus variées comme des capacités productives nationales (ports, aéroports, routes en concession à des créanciers potentiels), des espaces nationaux, des biens mobiliers ou immobiliers y compris des pans entiers du territoire, notamment les mines, les terres arabes, les forêts, les espaces d’enfouissement des déchets des occidentaux, etc. souvent sans contreparties tangibles, ou des produits financiers tels que des actions, des obligations, des bons de trésor, etc.

Mais l’Etat prévoyant peut aussi opter pour une autre approche afin de résorber sa dette conjoncturelle et/ou payer le solde de sa dette liées à une propension à importer plus qu’à exporter. Une autre option consiste à se doter de réserves de change pendant les périodes de vaches grasses et de les utiliser pour payer les déficits en puisant dans ces réserves, lors des périodes de vaches maigres. L’Etat constitue donc une marge de sécurité.

4. RESERVES DE CHANGES : UNE MARGE DE SECURITE, MAIS POUR QUI ?
Les réserves de change sont gérées par les banques centrales qui s’inscrivent dans le cadre global de sa politique monétaire avec des interventions régulières ou ad hoc portant principalement sur la fixation des taux d’intérêt directeurs et sur le recours ou non aux réserves de change, en principe en toute indépendance. Mais en Afrique, la notion d’indépendance de la banque centrale n’est qu’indicative, surtout au Nigeria qui a vu plusieurs de ses présidents de banques centrales être remerciés, dès lors qu’ils demandaient à l’Etat fédéral de rendre des comptes au public. La transparence demeure opaque !

Les réserves de change sont ainsi des moyens de paiements. Elles servent de trésorerie et contribuent aussi à augmenter les flux monétaires internationaux. Du fait de leur manque de crédibilité et d’une non maîtrise de leur monnaie, de nombreux pays en développement n’ont soit pas accès ou n’ont qu’un accès limité aux marchés internationaux de capitaux. De ce fait, les marges de manœuvre d’un gouvernement africain reposent souvent sur l’importance de ces réserves de change et le niveau de son endettement courant et à long terme. Les réserves de changes sont alors considérées comme un volant de sécurité pour le règlement des importations et le service de la dette extérieure en devises étrangères.

Dans le cadre de son intervention, la banque centrale peut faire varier le niveau de taux de change et utiliser la dévaluation ou la réévaluation de sa monnaie comme un instrument monétaire de gouvernance économique. La valeur d’une monnaie qui s’amenuise signifie, qu’on le veuille ou non, à une incapacité passagère ou structurelle d’un Etat à équilibrer ses comptes et surtout à offrir un solde comptable positif de sa balance de paiement, ce de manière pérenne. Alors quel est le niveau de ces réserves en Afrique subsaharienne et au Nigeria, choisi comme une référence.

5. RESERVES DE CHANGE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE
Les réserves de l’Afrique subsaharienne devraient baisser en passant de 5,1 mois d’importations de biens et services de moyenne entre 2010-2015 à 4,7 mois d’importations de biens et services en 2020. Au cours de la même période, la dette extérieure officielle de cette région du monde va enfler passant de 13,8 % de la richesse nationale (produit intérieur brut (PIB)) à 23,2 % du PIB.

Pour le Nigeria, les réserves de change passent respectivement de 5,8 entre 2010-2015 à 5,7 mois d’importations de biens et services en 2020 avec 7,1 en 2018 et une estimation de 6,3 en 2019, ce qui est au-dessus de la moyenne de l’Afrique subsaharienne avec 5,2 en 2018 et 4.9 en 2019. Au cours de la même période, la dette extérieure officielle du Nigeria devrait doubler passant de 3,1 % à 8,6 % du PIB. Cette dette ne représente qu’un tiers de celle de l’Afrique subsaharienne.

Pour mémoire, la zone du Franc CFA devrait voir ses réserves de change décroitre en passant de 5,3 mois d’importations de biens et services de moyenne entre 2010-2015 à 4,1 mois d’importations de biens et services en 2020, soit une chute plus importante que la moyenne de l’Afrique subsaharienne. Notons aussi que pour cette zone en 2018, les réserves avaient fondu à 3,7 % du PIB pour remonter à 3,9 % du PIB en 2019 1. En parallèle, la dette extérieure officielle de la zone franc devrait augmenter de 50 % passant de 20,6 % du PIB entre 2010-2015 à 30,3 % du PIB. Cette dette est largement au-dessus de la moyenne de l’Afrique subsaharienne. Il est possible d’en tirer comme conclusion qu’il n’est pas très bon de continuer à rester au sein de la zone franc avec la gouvernance économique malsaine actuelle. En effet, le FCFA empêche l’intégration régionale et africaine et les principaux dirigeants pourrait se voir contraints à accepter plusieurs altérations des accords en vigueur à savoir entre autres :

la non-convertibilité automatique du FCFA en devises, notamment en Euro, voire le refus de convertibilité, ce qui signifierait un hold-up total des économies de la zone franc et un blocage du développement des entreprises africaines sauf si ces dernières fournissent les noms de leur fournisseurs ou achètent en France ;
la dévaluation du Franc CFA, soit celle de l’Afrique centrale, soit celle de l’Afrique de l’Ouest, soit les deux à la fois, soit les deux l’une après l’autre ;
le report systématique des réformes structurelles au sein des zones économiques monétaires africaines (Afrique centrale, Afrique de l’ouest) permettant d’avancer vers la convergence monétaire et l’émergence d’une monnaie commune à l’instar du yuan chinois non-convertible à ses débuts et qui demeure peu utilisé en dehors des frontières parce qu’elle n’est pas entièrement convertible. La valeur de cette monnaie commune régionale devrait être fondée sur un panier de monnaie afin de lui assurer une stabilité à ses débuts. Un fond monétaire africaine doit lui emboiter le pas pour ne pas avoir à s’adresser au Fond monétaire international pour des niveaux de déficits pouvant se gérer au niveau régional ou africain.
6. RESERVES DE CHANGE, BANQUE CENTRALE ET REGULATION DES TAUX DE CHANGE
Une banque centrale 2 peut acheter ou vendre une partie de ses réserves sur le marché des changes afin d’influencer et agir sur le cours de la monnaie. Elle vend sur les marchés des changes une partie de ses réserves qui sont en devises pour payer ses dettes ou alors pour acheter sa propre monnaie pour en défendre la valeur. Elle peut les vendre pour acheter des devises afin de freiner l’appréciation de la valeur de sa monnaie. Ces réserves de changes se présentent sous la forme d’or, d’avoirs étrangers en devises notamment en dollars des Etats-Unis, de bons et obligations du Trésor émis par les différents états, de positions de réserve au FMI et de Droits de tirage spéciaux (DTS).

Ces réserves sont sous le contrôle des autorités monétaires et leur permettent de financer directement les déséquilibres des paiements au moyen d’interventions. La bonne gouvernance des réserves de change est un instrument à part entière de la politique de change et devrait servir à réguler les taux de change mais aussi à :

à soutenir le développement économique dans les pays en développement en accélérant l’attractivité d’un pays par exportations et des flux de capitaux à partir des excédents commerciaux internationaux surtout si ces derniers reposent sur la transformation locale des matières premières ;
à solder le solde les déficits de la balance des paiements envers l’étranger ainsi qu’une partie de la dette extérieure mais aussi à payer partiellement ou totalement des investissements directs étranger 3 ;
Les réserves d’un pays servent principalement à préserver la confiance des marchés envers la devise nationale et à donner un signal que le pays a les moyens de résister à un choc de tous ordres tels que les catastrophes naturelles ou écologique, le terrorisme, le déficit du commerce extérieur, la hausse des prix des matières premières ou des biens manufacturés, une crise du crédit, l’instabilité des marchés et du commerce mondial, etc.

Attention à ce qu’une politique trop volontariste ne conduise pas à pousser les réserves à des niveaux trop élevés créant de fait un processus de déflation. Toutefois, l’augmentation des réserves offre plusieurs effets souhaitables pour les économiques africaines. Celle-ci permet :

d’augmenter la base monétaire ;
de maintenir la monnaie locale à un taux bas par rapport à la devise de référence souvent le dollar ou l’Euro, mais cela ne favorise que les économies tournées principalement vers l’exportation. Mais comme il s’agit souvent d’exportation de matières premières non transformées, le soutien au lieu de se faire à l’activité économique par la création d’emplois et la distribution de salaires, se transforment en un soutien à une oligarchie au pouvoir ou bénéficiant des avantages du pouvoir, auto-entretenant ainsi les inégalités et les crises sociales.
7. L’AFRIQUE : VERS UNE MONNAIE FLEXIBLE QUI SOUTIENT LA CRÉATION DE VALEURS AJOUTÉES
Ainsi, maintenir une devise compétitive n’a d’intérêt pour les économies africaines que si la gouvernance économique et les réserves sont orientées avec des activités créatrices de valeur ajoutées, d’innovation et d’emplois décents. Attention à ce que la dette locale soit payée dans les temps pour les services et infrastructures effectivement par les entreprises locales et réalisés à la satisfaction des populations. A défaut, la corruption conduirait rapidement à des niveaux d’endettement qui limiteraient, voire feraient disparaître, la marge de souveraineté décisionnelle d’un Etat et produirait rapidement des risques de dévaluations en cascade et quasiment structurelles… Il va de soi que face à une plus grande volatilité des produits exportés sans transformation, le niveau des réserves devrait être aussi élevé. Toutes imprévisibilités majeures contribuent à accentuer la fuite des capitaux du marché intérieur vers le marché extérieur, ce qui par ricochet contribuent à augmenter le niveau des réserves de changes, réduisant ainsi ce qui aurait pu être investi dans l’économie par ailleurs.

Face à la vulnérabilité du compte de capital du fait d’une plus grande exposition et ouverture sur les marchés internationaux, les économies africaines sont vulnérables aux crises financières et donc aux fuites des capitaux.

Il est alors intéressant d’adopter une approche basée sur la flexibilité limitée du taux de change dans la mesure où la banque centrale pourrait ne plus avoir besoin de grandes quantités de réserves pour gérer un taux de change fixe. C’est cette variation qui fait défaut au Franc CFA dans la zone franc, ce d’autant que toutes les décisions ne sont en fait autorisées qu’après la « non-objection » qui se présente comme un droit de véto de la France, membre du conseil d’administration de la zone franc.

En définitive, si le rendement des réserves et la productivité marginale d’un investissement alternatif est négatif, il y a un coût social que l’Etat africain sera amené à porter. En réalité face à des manifestations des populations contre la vie chère et donc un échec de la politique menée par l’Etat et donc de la Banque centrale, c’est la répression brutale des populations par le Gouvernement qui fait souvent office de variable d’ajustement alors qu’il s’agit en fait des conséquences d’une mauvaise gouvernance économique.

Dans le cas contraire, il y a un coût d’opportunité qui s’il se répète à l’infini et qui aurait dû servir d’effet de levier à la croissance économique et indirectement à la création de valeurs. Mais la corruption prend souvent le relais à ce stade… Il est donc toujours difficile de savoir si le niveau de constitution de réserves de changes excédentaires est à proscrire ou pas. Et combien de temps faut-il conserver ces réserves élevées ? Une affaire de jugement et de bon sens si l’Etat ne fait pas d’intervention intempestive après avoir oublié d’organiser ses propres réformes structurelles qui devraient permettre aux actions de la banque centrale de servir d’effet de levier à l’économie. La réalité pour la majorité des populations non bancarisées est que les mesures prises par les banques centrales ont des effets de massue.

Aussi, l’Afrique n’a pas nécessairement besoin d’une monnaie forte, mais d’une monnaie qui permette à son économie de créer de la valeur ajoutée et des emplois en Afrique.

8. LE CAS DU NIGERIA À LA MI-2019
Il est question d’une chute conjoncturelle des réserves de change de la Banque centrale du Nigeria qui a vu ses réserves de change diminuer de 44,940 milliards de USD en juillet 2019 à 43,730 milliards de USD en août, soit une chute de 1,2 milliards de USD. Rappelons que c’est depuis le mois de mai 2019 avec 45,0 milliards que les réserves de change du Nigeria sont sur une pente descendante. Toutefois, en novembre 2018, les réserves de change du Nigeria étaient tombées à 41,9 milliards de USD et en février 2019, à 42,3 milliards de USD. Il y a eu des records dans le passé avec 63,22 millions de dollars de réserves de change en juin 1968. Mais c’est bien le plus bas niveau en 17 mois 4.

Les raisons de l’épuisement passager des réserves du Nigeria sont multiples et variées. Mais elles sont immanquablement liées :

à un ralentissement du marché des capitaux ;
à des interventions de la banque centrale du Nigeria en faveurs des investisseurs et des exportateurs et surtout ;
au prix du pétrole qui ont baissé entre juillet et la mi-septembre 2019. Le prix du pétrole Brent est tombé à moins de 59 dollars le 22 mai 2019 et à 50,73 $EU le 12 juin 2019 alors qu’au moins d’août, ce sont les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine qui s’intensifiaient avec des conséquences indirectes sur le Nigeria.
Une forte baisse du prix du pétrole pourrait menacer la mise en œuvre du budget du Nigeria pour 2019, fixé autour de 59 dollars par baril de pétrole brut. A la mi-septembre, avec un prix du baril du pétrole repartant à la hausse (59,21 $EU à la date du 18 septembre 2019) et si cela perdure, le Nigeria pourra mettre fin à quatre mois consécutifs du prix de son pétrole brut en dessous d’un seuil qui l’oblige à faire appel à ses réserves de changes. Avec la baisse du prix du pétrole, les réserves du pays constituent le dernier recours. Rappelons pour mémoire que la dette extérieure du Nigeria constituait plus de 18 % des exportations de biens, des services et des revenus divers en 2017 5.

9. CORRELATION ENTRE LA BAISSE DU BARIL DE PETROLE ET LES RESERVES DE CHANGES
Le Nigeria est le premier producteur de brut du continent africain, et 8ème exportateur mondial. Son économie est principalement tirée du pétrole brut. Ce qui représente plus de 90 % de ses revenus à l’export. Le pétrole est donc le pilier central de l’économie du Nigeria. Le pétrole brut représente le premier produit à l’export du Nigéria, mais aussi les trois quarts du budget national et près de 15 % du produit intérieur brut (PIB) du pays.

Mais chacun sait que cette rentrée d’argent significative ne profite pas à l’ensemble de la population nigériane. Près de 70 % de cette population vit avec moins de 1 dollar par jour. C’est donc plus d’une gouvernance qui manque d’inclusivité dont souffre le Nigeria.

Toute baisse du prix du baril de pétrole par rapport aux prévisions budgétaires de l’Etat ne peut qu’avoir des incidences négatives sur la capacité du Gouvernement à agir. Sa marge de manœuvre ne peut qu’être réduite. Au plan conjoncturel, il ne faut pas s’étonner que la banque centrale du Nigeria réagisse en piochant dans les réserves de change pour permettre la continuation d’activités en cours. Au cours de la période considérée (entre la mi-juillet et la mi-août 2019), le baril du pétrole brut a enregistré une légère baisse passant de 59,59 USD le 11 juillet 2019 à 53,55 USD le 23 août 2019. A la date du 2 septembre 2019, le prix du baril brut était remonté à 55 USD 6. A la date du 18 septembre 2019 le prix du baril du pétrole était reparti à la hausse avec 59,21 $EU.

Donc la baisse du pétrole comme justificatif unique est insuffisante pour expliquer la difficulté du Gouvernement nigérian à stabiliser son niveau de réserves de changes. Rappelons qu’en 2016, le prix du baril de brut est tombé à 32 USD, ce qui pourrait pénaliser le Gouvernement mais arrangeait parfois certains consommateurs. Il faut importe d’opter pour des stratégies de long-terme à adapter régulièrement.

10. STRATEGIE DE LONG-TERME DU GOUVERNEMENT NIGERIAN
Les banques centrales ont au moins trois taux directeurs. Le taux de refinancement qui est le taux de base et qui est celui qui souvent communiqué. Toutes les liquidités fournies aux banques secondaires ne peuvent se faire en dessous de ce taux. Le deuxième est le taux de rémunération des dépôts qui permettent aux banques secondaires de voir leurs dépôts être rémunérés auprès de la banque centrale. Enfin, le taux de prêt marginal, ou taux d’escompte, que les banques secondaires et commerciales payent pour emprunter à court terme auprès de la banque pour pallier à un manque de liquidités temporaires.

La réalité africaine est que le taux de base est usurier. Aucun développement n’est facilité pour l’immense majorité des populations africaines. Il faut donc réformer en profondeur le mode de fonctionnement des banques centrales pour qu’elles soient au service des populations en servant d’effet de levier et non qu’en définitive, elles transfèrent une forme de violence insidieuse de la monnaie 7 sur les plus faibles qui équivaut à un effet de massue et augmente les inégalités, et donc la pauvreté.

La stratégie au sein de l’Etat et des banques centrales africaines doit s’articuler autour de réformes glissantes de long-terme en faveur de la création de valeurs ajoutées au plan local avec une priorité donnée à la réduction des inégalités et de meilleures d’opportunités pour les classes défavorisées de trouver un emploi décent. Aussi, privilégier la production et la consommation locales et diversifier son économie font partie de la solution. La restauration et l’utilisation des réserves de change ne doit pas se faire au détriment de l’accélération des inégalités au Nigeria, et plus globalement en Afrique.

Mais le fond du problème est d’abord la concentration des richesses dans les mains d’individus et de groupes d’individus qui ne réinvestissent pas suffisamment dans l’économie locale en termes d’entreprises créatrices de valeurs ajoutées et de richesses partagées sous forme de salaires et de pouvoir d’achat. YEA.

18 septembre 2019.


Dr. Yves Ekoué AMAÏZO, Ph D, MBA.
Directeur Afrocentricity Think Tank
© Afrocentricity Think Tank.

Notes:

1. IMF (2019). World Economic Outlook. Sub-Saharan Africa. April 2019. International Monetary Fund: Washington D.C. ↩
2. Ou dans le cadre d’une action concertée, plusieurs banques centrales. ↩
3. Blackman, C. (1982). Managing foreign exchange reserves in small developing countries. Occasional papers. Group of Thirty. ↩
4. https://tradingeconomics.com/nigeria/foreign-exchange-reserves ↩
5. World Bank (2019). World Development indicators 2019. The World Bank: Washington D.C. ↩
6. https://prixdubaril.com/ ↩
7. Aglietta, M et Orléan, A. (1984). La violence de la monnaie. 2e Editions Presses Universitaires de France (PUF) : Paris. ↩