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Me Yawovi Agboyibo appelle le Président Faure Gnassingbé à se « conformer aux propos qu’il a tenus en Allemagne » sur le sujet de la limitation des mandats présidentiels

Togo - Politique
L'élection présidentielle de 2020 au Togo, la candidature du Président de la République, Faure Gnassingbé, les mésententes notées au sein de l'opposition sur le choix d'un candidat unique, les exigences du CAR qui demande l'ouverture de pourparlers en vue d'une révision des règles et de la composition des institutions intervenant dans l'organisation, la supervision et la proclamation des résultats de l'élection. Toutes ces questions sont abordées dans l’interview à suivre par Me Yawovi Agboyibo, président national du Comité d'Action pour le Renouveau (CAR). Dans cet entretien, l'ancien Premier ministre se montre un peu plus dure que d'habitude à l'égard du pouvoir de Faure Gnassingbé, mais se montre en même temps disponible à discuter avec les tenants du pouvoir en place afin de trouver une issue favorable à la situation du Togo. Lisez plutôt.
Afreepress : Bonjour Me Yawovi Agboyibo. L'élection présidentielle au Togo aura lieu dans quelques mois. Comment votre parti le CAR prépare-t-il cette échéance ?

Me Yawovi Agboyibo : L'élection présidentielle en vue est un événement politique de taille en raison de ses enjeux politiques et socio-économiques. Un parti soucieux d’œuvrer à ce que notre pays éprouve la joie de l'alternance et entre dans une ère de prospérité profitable à tous, ne peut en être indifférent. C'est l'occasion pour chaque parti d’éclairer nos populations sur sa vision politique afin de leur permettre de choisir le remède approprié au mal dont souffre le Togo.

Pourriez-vous nous préciser ce que vous entendez par vision politique ? Un projet de société du parti ? Un programme d’action ? Un plan de développement ?

Me Yawovi Agboyibo : La vision politique va au-delà de ces éléments qui n’en sont que des implications. Elle procède davantage d’une intuition par effet de grâce. C’est par cette dimension d’essence spirituelle qu’elle peut s’inscrire dans la durée.

Selon votre vision, quels doivent être les rapports entre le pouvoir en place et les partis d’opposition dans un pays comme le nôtre ? Faut-il éviter les rapports avec les tenants du pouvoir ?

Me Yawovi Agboyibo : Vous soulevez là un point dont la réponse induit le dévoilement de la source de mon engagement politique et une des caractéristiques clé de la vision politique du CAR. C’était en 1987. Comme bon nombre de nos concitoyens à l’époque, il fallait éviter tout contact avec un système décrié pour ses pratiques.

De retour d’un voyage à Genève où j’ai participé à une réunion internationale sur les Droits de l’Homme, j’ai soudainement ressenti en moi un besoin de reconsidérer cette façon de se comporter face à la situation qui prévalait au Togo.

Je m'étais préoccupé de ce que je pouvais faire pour contribuer à la changer. J'en ai échangé avec des amis. J'en suis venu à l'idée de prendre le risque d’aller à contre-courant de l’opinion ambiante pour approcher feu Président de la République, Eyadema Gnassingbé pour lui proposer de doter le pays d’une institution investie de la mission de réguler sa façon de gouverner : la Commission Nationale des Droits de l'Homme (CNDH).

Je m'abstiens à dessein de revenir sur les détails du modèle de rapport que j'ai entretenu à l'époque avec le feu Président et les résultats que les populations en ont tirés. Je me contenterai d'indiquer tout simplement qu'il s'est agi d'un modèle de rapport basé sur le dialogue respectueux de la vérité à l’égard du prochain dont l'adversaire politique en est un.

Je m'abstiens de même de m’appesantir sur l'autre modèle qu'ensemble avec les autres acteurs de l'opposition, nous avons eu à entretenir à partir de mai 1991 avec le régime. Il s'agit du modèle de rejet instinctif du dialogue avec le pouvoir. Nous y sommes toujours. Nous en avions vu et continuons de voir les résultats.

J’ai été et demeure convaincu qu’il n’est de fierté pour aucune des composantes de notre classe politique de léguer aux générations à venir un pays détruit par le choc des blocs sous l’effet de la haine.

C’est le lieu pour moi de partager avec mes compatriotes croyants engagés dans l'action politique, les leçons que j'ai tirées de ces deux périodes de notre histoire. Si nous nous étions efforcés de traduire dans le rapport avec l’adversaire politique, les enseignements reçus de nos confessions, toutes obédiences confondues, le Togo ne continuerait pas à marcher à reculons.

Je voudrais à cet égard saluer l'appel lancé par les Evêques du Togo à la clôture de leur réunion tenue dans le diocèse de Dapaong du 15 au 18 octobre 2019, à quelques mois de la prochaine élection présidentielle. Au sujet du Devoir incombant aux chrétiens engagés en politique tel qu’il a été rappelé le 4 mars 2019 par le Pape François en écho aux propos du Saint évêque Oscar Anrulfo Roméo, les Evêques ont déclaré : « Pour être un bon politique, il n'est pas nécessaire d'être chrétien mais le chrétien qui s'engage en politique a l'obligation de professer sa foi. Et si, ce faisant un conflit naissait entre la loyauté à sa foi et la loyauté à l'organisation, le véritable chrétien doit préférer sa foi et montrer que son combat pour la justice est pour la justice du royaume de Dieu et non pas pour une autre justice ».

La question de la candidature de l'actuel Président de la République, Faure Gnassingbé est au centre des débats. Qu’en pensez-vous ?

Me Yawovi Agboyibo : Je voudrais faire observer que la réponse à votre question est moins du ressort des textes de loi, que du devoir moral de respect de la parole donnée.

On se rappelle que lors de son dernier voyage en République Fédérale d’Allemagne, le Président Faure Gnassingbé a été interpellé par les médias sur la question de la limitation du mandat présidentiel. Il a répondu en ces termes : « Pour que la démocratie progresse en Afrique il faut nécessairement limiter les mandats à deux ou à trois ». Il a porté la limitation à trois sans doute parce qu’il s’est aperçu qu’il avait déjà outrepassé le maximum de deux mandats conforme au standard international.

Pour préserver l’image du Togo et la sienne propre à l’étranger, le Président Faure a le devoir de se conformer aux propos qu’il a tenus en Allemagne et qui ont fait le tour du monde entier.

Une autre question préoccupe l'opposition togolaise. Celle de la candidature unique. Le CAR semble ne pas s'inscrire dans cette dynamique. Est-ce vrai ?

Me Yawovi Agboyibo : La candidature unique est en soi une excellente idée. Mais le tout n’est pas d’en avoir l’idée. Le plus important c’est de pouvoir la réaliser. Les chances de la faire aboutir dépendent du contexte et des circonstances du moment. Au début des années 90, et dans un passé récent, avec la dynamique populaire suscitée dans l'ensemble du pays par notre collègue Tikpi Atchadam, le choix d'un candidat unique pouvait s'opérer sans difficulté. Mais depuis, le contexte a évolué. Je ne vois pas aujourd’hui au Togo ou au sein de la diaspora, une personnalité jouissant d'une aura grâce à laquelle elle peut drainer autour de sa candidature des Togolais de tous bords et hameaux. Ce n’est pas un fait du hasard si le candidat unique envisagé demeure jusqu’ici ‘’emballé’’.

C’est en raisons de ces considérations qu’au CAR, nous pensons que pour prévenir les effets pervers des candidatures multiples en ordres dispersés, la meilleure façon d’y arriver passe par la solution de candidatures libres concertées autour d’une corbeille symbolisant la volonté commune des candidats au scrutin présidentiel à mobiliser chacun, au premier tour, les électeurs de son fief et à mettre ensemble les suffrages recueillis au profit de celui d’entre eux qui viendrait en tête des décomptes pour sa qualification pour le second tour.

L’essentiel est de faire en sorte que les différents candidats se retrouvent dans un cadre au sein duquel ils s’accordent sur la façon de mutualiser leurs atouts et d’atteindre l’objectif visé.

Pensez-vous que les réformes institutionnelles que vous n'avez cessé de réclamer et surtout à la suite des dernières élections locales, puissent se faire avant le scrutin présidentiel ?

Me Yawovi Agboyibo : Il serait illusoire de penser qu’au prochain scrutin, l'opposition pourrait réaliser l'alternance dans l'état actuel des institutions en charge de l'organisation, du déroulement, de la proclamation des résultats et du contentieux électoral. Tant que ces institutions demeureront verrouillées par les règles de leur composition et de leur fonctionnement, l'issue du scrutin sera identique à celle des précédents. Le CAR a souligné à ce propos, dans le communiqué introductif de sa conférence de presse du 16 octobre 2019 que, si le parti au pouvoir est sorti vainqueur du scrutin local du 30 juin 2019 dans plus de 90% des communes, c’est parce que, entre autres anomalies, l’opposition n’avait pas un seul représentant dans le tiers des CELI, des Comités de Listes et Cartes et des bureaux de vote.

Il est pour cela indispensable d’amener le pouvoir à faire des concessions minimales pour reconfigurer les structures électorales en question ainsi que la Cour constitutionnelle et à procéder aux autres retouches nécessaires à l'équité de l'élection.

Que faire pour éviter les manœuvres frauduleuses, notamment les achats de consciences que vous avez tant décriés?

Me Yawovi Agboyibo : C’est là une pratique qui vide de tout sens les élections au Togo. Notre parti n’a cessé de dénoncer à quel point il est révoltant que le régime se sert du laxisme des textes régissant le recrutement aux emplois publics, des règles d’attribution des marchés publics, de la reconnaissance des chefs traditionnels pour falsifier les choix électoraux. Le plus abominable, c’est qu’ils n’hésitent pas à exploiter la pauvreté des électeurs pour acheter leurs suffrages. Les Togolais acculés par la misère, vendent tout pour survivre. Certains vont jusqu'à revendre des habits achetés chez les marchands de friperie. Le comble du drame, c'est quand ils en viennent à vendre la parcelle divine qu'ils abritent en eux : la conscience.

Le législateur a inséré dans le code électoral des dispositions prévoyant que tout candidat qui achète des suffrages est passible d’une peine d’emprisonnement. Ces dispositions n’influencent nullement la pratique pour des raisons de main mise sur les institutions judiciaires.

Votre mot de fin

Me Yawovi Agboyibo : Le problème togolais est profond et tentaculaire. Il ne trouvera de solution qu’avec la fin du régime. C’est pourquoi, j’interpelle de nouveau les populations à prendre conscience de la gravité de la situation et à redoubler d’effort pour la réalisation du rôle qui leur incombe dans la lutte pour l’éradication du système.