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Nathaniel Olympio : "Quand une seule personne a bien mangé, elle ne proclame pas que tout va bien dans tout le pays"

Togo - Societe
Dans une tribune parue dans l'édition n° 3072 du 24 au 30 novembre 2019 de l'hebdomadaire Jeune Afrique, Faure Gnassingbé, le Chef de l'État togolais cite un proverbe togolais qui dit qu'il vaut mieux marcher que de maudire la route. Il se réjouit d'un «changement de paradigme» qui aurait été source de «progrès».
Un autre proverbe togolais dit que quand une seule personne a bien mangé, elle ne proclame pas que tout va bien dans tout le pays.
Quand on prétend avoir changé de paradigme depuis mars de cette année dans la stratégie de développement, on ne continue pas de violer les domiciles des citoyens pour créer des sillons dans le dos des jeunes à coups de ceinture à boucle et de cordelette tressée. Beaucoup s’interrogent en effet sur cette volonté supposée de faire les choses différemment parce qu’on constate que les pratiques malsaines perdurent. Changer de paradigme exige une remise en cause de la gouvernance mise en œuvre depuis quinze ans. Les difficultés que connait l’Afrique subsaharienne n’entravent pas dans les autres pays de la zone, l’amélioration des conditions de vie des populations et l’ouverture à plus de liberté et de démocratie.

Si le Togo a véritablement compris que son potentiel résidait dans sa capacité à s’ouvrir, il est impérieux que ses dirigeants comprennent qu’aucune adaptation à un monde en pleine mutation n’est possible tant que le Togolais ne vit pas pleinement sa liberté et ne jouit pas de ses prérogatives de souverain dans le choix de ses dirigeants.
Comment peut-on clamer haut et fort qu’il faut construire des institutions plus robustes quand on continue d’inféoder ces institutions à l’Exécutif ? Peut-on parler d’institutions solides lorsque tous les premiers responsables des institutions sont des sympathisants ou membres du parti au pouvoir et transforment ces institutions en instruments de confiscation du pouvoir ou de chasse aux opposants ?

Où sont allés les investissements massifs en capital humain, quand nos étudiants suivent les cours assis à même le sol?

Où sont passés les investissements dans les jeunes quand nos étudiants doivent choisir entre se rendre à l’université à 3h du matin pour avoir une place assise ou tomber évanouis lors de bousculades pour avoir une place ? Si tel est l’état de la plus grande université du Togo, qu’en est-il du secondaire et du primaire dans tout le pays ?
On nous clame que le fonctionnement de l’Etat est modernisé. Soit ! Mais alors, comment nous expliquer que les patrimoines économiques de l’Etat soient bradés sans aucun débat à l’Assemblée nationale et sans qu’aucune information ne soit portée à l’attention du peuple ? Ma correspondance de demande d’information adressée à l’Agence de Régulation des Marqués Publics (ARMP) au sujet de la cession de Togocom est restée sans réponse. Est-ce là le fonctionnement d’un Etat modernisé ?

On exhibe un taux de chômage le plus bas de l’Afrique de l’Ouest. Tiens donc ! Pourquoi alors une grande partie des conducteurs de taxi-moto sont-ils des diplômés d’université ? Il est temps que l’on cesse la manipulation des statistiques et que l’on ne comptabilise pas les citoyens qui mènent des activités de survie par débrouillardise au quotidien comme des personnes ayant un emploi. Ce sont des personnes au chômage. Qu’on les considère ainsi dans les analyses.

Ah Le fameux Doing Business ! Il atterrit dans nos frontières comme le miracle de cette fin d’année. Le Père Noël avant l’heure. On le claironne avec fierté dans tous les espaces publics et même dans les cercles privés. Pourquoi bomber autant le torse quand la réalité de la jeunesse est autant dépourvue de perspectives ? Pourquoi la progression de 38 places dans ce classement de 2012 à 2019 ne se traduit-il pas par des créations d’emplois au bénéfice de la jeunesse ? Il y a certainement quelque chose de néfaste dans le placard de nos institutions. Comment la justice peut-elle protéger les investissements, si elle est incapable d’être équitable dans les différends ordinaires entre citoyens ? Si le climat des affaires était si attrayant, pourquoi tous les chefs d’entreprise prospères sont-ils assujettis au pouvoir en place de peur d’être privés de marchés publics ? Est-il normal, au XXIème siècle, qu’un pays où l’Etat revendique sa modernité soit incapable de laisser la liberté d’expression politique aux chefs d’entreprise ?

De quel travail collectif nous parle-t-on quand la divergence politique est source de privation d’accès à l’emploi et aux marchés publics, érigeant le clientélisme en mode de gouvernance ?

Monsieur Faure Essozimna Gnassingbé, chef de l’Etat, tant que vous n’admettrez pas que seuls ceux qui jouissent de votre pouvoir chantent vos louanges, comme cela se faisait déjà avec votre prédécesseur il y a quelques décennies, vous aurez beau affirmer haut et fort que tout va bien dans le meilleur des mondes, les récriminations du peuple au ventre creux, mal soigné et éduqué dans des conditions exécrables, demeureront et s’amplifieront.

Le monde change, la jeunesse togolaise aussi change et a besoin d’une autre perspective.

Oui en effet, nous Togolais avons une foi inébranlable en l’avenir. Cette foi a été insufflée aux Togolais le 27 avril 1960, par ce discours de proclamation de l’indépendance « Peuple togolais, par ta foi, ton courage et tes sacrifices, la Nation togolaise est née ».

La force de cette profession de foi est qu’elle vibre continuellement dans les cœurs des Togolais afin que nous bâtissions ensemble notre Togo commun.

Lomé, le 25 novembre 2019

Nathaniel Olympio
Parti des Togolais
Président