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Chant pour Atakpametↄ, chantre d’Ablodé

Togo - Opinions
Tu as chanté et tu chantes encore
Tu as chanté en luttant, tu as chanté en traversant les places, les rues, les carrefours envahis de kakis, de canetons, comme on les appelait, en te faufilant avec d’autres Ablodékanletↄwo par les couloirs les plus impossibles
Tu as chanté quand coups de matraque et de gifle retentissaient´
Remplissaient champs, rues, ateliers tentant vainement d’étouffer le cri du cœur Ablodé !
Tu as chanté quand nous étions enfants et toi résistante
En escaladant les murs, en sautant par-dessus les clôtures de béton hérissées de piques, de tessons de bouteilles, les haies d’épines, de ronces plantées par les colons, toutes sortes de barrières érigées par les dominateurs, pour les meetings d’Ablodé,
Tu as chanté de ton vivant, nous étions enfants quand tu chantais, Atakpametↄ, ô Ablodékanletↄ, Héroïne des premières heures lorsqu’il fallait arracher la rose parfumée de la liberté,
„Mi to ne polisia be mu gba potome na muoo“
-Dites au policier de ne pas me gifler…

Tu as chanté dans le train, kétéké pour l’Unité, la locomotive qui conduisit, à travers monts et vallées, la lutte pour la liberté, tu as chanté quand par un coup ensanglanté, les soudards demi-solde ont cru avoir arrêté la marche du cortège vers le rivage rêvé.
Tu as chanté sur la rive qu’ils ont profanée, la plage qu’ils ont souillée du sang des plus valeureux, l’eau rougie du sang des martyrs, les fonds marins où se sont amoncelés, montagne d’horreurs, les os de leurs victimes
Tu as chanté sous le soleil, tu as chanté sous la pluie et ton chant s’est multiplié et nous y retrouvons tous les visages de ceux qui portent sur leurs fronts la lumière de cet horizon, tous valeureux résistants, la brillance de l’Aurore qui vient après la longue nuit.
-Dites au tyran de ne pas trop se vanter car le triomphe définitif ne lui appartient pas

Tu as chanté sans fin, même quand tu avais soif et faim
Tu as chanté au marché, tu as chanté en marchant, tu as chanté en courant, tu as chanté pour te cacher
Nous de la génération des années quarante nous étions enfants

Quand tu chantais pour les enfants du Togo, pour le présent et le futur du Togo
Pour que le peuple aille libre et sûrement à son futur
Ablodékaleto Atakpméto
Et nous sommes encore vivants
Tu as chanté contre les colons, les valets des colons, les agents zélés des colons
„Mi to ne polisia be mu gba potome na muoo“
Dites au policier de ne pas me gifler…
L’heure du vrai camouflet sonnera. Mon chant, pour sûr, l’administrera à l’administration coloniale endurcie
Ton chant, puissant rugissement du Lion en guerre dans la forêt contre tout fauve qui s’attaque à ses enfants :
« Kpaka ! ago ma yi kpↄwe
Lᾶlenu ɖe ma le Dajᾶta be viwo !... »
Vivement ! que j’aille voir cet affrontement du siècle
A l’instant précis, bondira le félin irrésistible pour saisir sa proie
-Dites au porteur de matraque de ne pas me traquer
Tu as chanté notre révolution, tu as chanté l’étoile du drapeau
Quand tu chantes le Togo indépendant
Quand tu chantes désormais immortelle, tu chantes notre vie à tous et tu chantes encore pour toutes les générations, immortellement Ablodé, notre liberté est ton chant.
Tu chanteras encore l’espoir des victoires à venir, pour tout le peuple, sur le territoire et dans la diaspora. Le lion ne laissera pas un fauve dévorer ses enfants et la guerre n’est pas terminée
„Mi to ne polisia be mu gba potome na muoo“
--Dites au policier de ne pas me gifler…
Tu as chanté d’Atakpamé à Lomé,
De Lomé à Kpalimé, de Kpalimé à Sokodé, de Tado à Mango, d’Amlamé à Agokpamé, de Bassar au Bas-Mono, ton chant a brisé les frontières entre des millions de sœurs et frères, érigées par les colons pour mieux régner sur un même peuple
Nos balafres tribales ne sont pas des frontières
Tu as chanté et les cœurs ont battu, et le rythme du souffle s’est accéléré, et le sang a circulé, et les mains se sont jointes
Au son de ton chant-sang
De Sinkassé à Bè
« Mi to ne polisia be… »
-Dites au policier que…
Et tu chantes encore
Dites au fusilier de ne pas tirer
Car il ne me fera pas taire, je suis immortelle
-Dites au meurtrier de pas me couper le cou, je ne suis pas un poulet, ni un mouton. Et je resterai debout
-Dites au milicien de ne pas vouloir m’étrangler, car l’heure vient
Pour lui comme pour moi
-Dites à l’assassin du 13 janvier, non, plutôt à ses héritiers, qu’ils ne peuvent me gifler, m’étouffer, me fusiller, m’étrangler, me noyer, m’emprisonner, m’aveugler, m’écraser, me violer, me piétiner
Impunément
« Kpaka ! ago ma yi kpↄwe
Lᾶlenu ɖe ma le Siva be viwo !... »
Les fauves ne dévoreront pas les enfants de Siva

-Dites au tortionnaire, lui stupide, de ne pas me torturer, le jugement de l’histoire est sûr
Tu chanteras encore et ton chant deviendra vigueur de nos cœurs pour la révolution, force de nos bras pour braver la bande d’usurpateurs qui nous opprime
Tu chanteras et ton chant sera eau fraîche pour étancher la soif brûlante de dignité, pluie d’eau cristalline qui nous lave de la souillure des années d’oppression, pour tonifier et raffermir notre peau honnie, froissée par la misère de plusieurs années de dictature dure.
Tu chanteras et la pluie de ton chant fera germer des vies aujourd’hui en ruine, une nouvelle vie éclatante de lumière
Tu chanteras et le firmament se remplira de constellation. Et les astres te souriront.
Nous étions enfants et tu étais résistante.
Peut-être des milliers de centaines de nos concitoyens sont-ils encore enfants.
-Dites au tyran qu’il ne me terrorise pas, qu’il ne m’écrase pas, qu’il ne me détruise pas
Tu chanteras et ton chant-lait redonnera vie, vigueur et éclat à des enfants frappés de rachitisme par des prédateurs avides, de tout acabit, tous ténébreux et laids, sorciers hideux qui s’ignorent peut-être, qui ont ôté le lait des valeurs à la bouche, à tes enfants
Ô Atakpametↄ, ô Ablodékanletↄ !
Et maintenant qui te chantera, toi
Ô Atakpametↄ, ô Ablodékanletↄ ?
Les enfants que ton chant-lait a nourris
Sénouvo Agbota ZINSOU