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Ouro-Bossi Tchacondoh, expert en décentralisation : « Si les nouveaux maires veulent être performants, il faut…»

Togo - Politique
Expert en décentralisation et facilitateur Bridge, Ouro-Bossi Tchacondoh (photo) a bien accepté accorder une interview au site d’information et de divertissement letabloid.com. Entre autres points relatifs à la décentralisation et à la gestion locale, en spécialiste de la question, il donne des conseils utiles et trace des pistes aux nouveaux maires pour être efficaces. Lire l’interview.
Letabloid.com : Le Togo est entré dans la phase concrète de sa décentralisation depuis plusieurs mois avec les élections municipales. Qu’est-ce que les populations peuvent concrètement en espérer ?

Ouro-Bossi Tchacondoh: Tout ce qui reste à dire, c’est de présenter les félicitations à ces nouveaux élus qui ont accepté de se jeter à l’eau, parce que vous savez, ce sont de nouvelles communes où ça demande beaucoup de réflexion, d’engagement, de disponibilité. Je leur présente mes félicitations. Mais en même temps, j’attire leur attention que rien n’est facile, mais aussi rien n’est impossible. Ce n’est pas parce que c’est difficile qu’on ne va pas faire. Et c’est parce que c’est difficile qu’il y a des gens qui veulent le faire.

Au-delà des difficultés du moment, c’est que l’avenir est serein, il est radieux. Il va falloir qu’on intègre dans notre manière de travailler une collaboration entre les services communaux, donc les autorités communales et les services déconcentrés de l’Etat s’impose pour que ça marche bien. Parmi les services déconcentrés, il y a les services de l’Etat qui sont là. Il y a également une collaboration nécessaire et importante avec les chefs traditionnels qui sont les garants des us et coutumes et qui ont un rôle important à jouer dans le domaine du foncier et en même dans la mobilisation des populations. Donc il faut une collaboration avec tous ces acteurs pour que nous puissions aller de l’avant. La décentralisation, elle est complexe mais exaltante. Du courage et du succès à tous les maires et les conseillers élus.

Les conseillers municipaux sont élus depuis pratiquement huit (08) mois et les nouveaux maires en place depuis un bon moment. Mais on a l’impression que ça dort au niveau des mairies…

Effectivement ils sont élus, nous sommes en train de boucler huit mois. Apparemment la population se dit : nous attendons toujours. On a l’impression que les maires et leur conseil ne sont pas actifs. Je dirai oui et non. Ils ne sont pas actifs parce qu’ils ne sont pas visibles. Ils n’ont pas défini des actions de visibilité ou établi des rapports de visibilité entre eux et les citoyens dans une dynamique de production nationale. Vous voyez que la plupart de ces maires ne sont même pas connus très généralement par la population de leur localité. Ils sont également au stade d’analyse et de recherche.

Vous savez, ce qui est un peu plus complexe par rapport à ces conseils élus, vous allez voir que c’est la pluralité des partis politiques. C’est la conséquence de la division politique que le Togo connaît. A parti du moment où les acteurs politiques ne se faisaient pas confiance, ils n’ont jamais appris à se parler, ils n’ont jamais accepté un débat contradictoire en interne ou avec les autres partis politiques, et qu’aujourd’hui un maire issu d’un parti politique se trouve dans l’obligation de parler avec celui qu’il considérait comme un ennemi au lieu de le prendre comme un adversaire, nous sommes dans une situation de morosité totale parce qu’ils sont en train s’analyser, s’étudier ; ils sont en train de voir comment s’y prendre pour créer une dynamique de confiance et d’acceptation des uns et des autres. Vous savez, l’une des difficultés de nos conseils, vous allez constater que la majorité était à un chevet près dans toutes les communes, c’est-à-dire ceux qui ont gagné la mairie pour dire nous avons le maire, c’est avec une différence d’une ou de deux voix. Et de deux, dans la décentralisation, on a besoin de tenir compte de la minorité qui est là. Et la minorité devient une minorité bloquante à partir du moment où il n’y a pas de confiance mutuelle entre les différentes composantes du conseil. Donc c’est ça qui fait que dans nos communes, ça dort, les conseils ne se retrouvent pas.

Et puis, il faut également reconnaître qu’ils ont été élus vers la fin de l’année. Il fallait en même temps élaborer le budget, et il y a problème aussi de compétence. Comment élaborer le budget ? Il faut une disponibilité du budget pour planifier les actions. Voilà tant d’éléments qui font qu’on considère que ça l’air de dormir ; mais il faut leur donner encore un temps de sursis et ils vont prendre la dynamique de production.

En tant qu’expert et vu que le Togo n’est qu’à l’apprentissage de la décentralisation, quelles sont les pistes que vous pouvez tracer aux nouveaux maires ?

Merci pour la question. Je dirai, parce que très souvent, je le rappelle, les élections ne constituent pas un point de départ d’une décentralisation. C’est pourquoi on l’appelle processus de décentralisation. Mais c’est le point le plus important dans le processus parce que ça permet de doter les collectivités locales d’élus. Le mot « élus » avait fait en sorte que les Togolais, avec les délégations spéciales, ne pensaient pas qu’on était en pleine décentralisation et les gens se posaient la question : à quand la décentralisation ? La décentralisation était là. Mais il a fallu enfin ces élections pour consacrer un des principes fondateurs de la décentralisation, c’est de renvoyer la souveraineté locale aux citoyens qui doivent voter, choisir entre eux des citoyens qu’ils jugent aptes à prendre les destinées de leur patrimoine local. C’est ça qui a été consacré en juin 2019 et donc aujourd’hui, toutes les communes sont dotées de conseil émanant des élections locales et en même temps également les municipalités (maires et ses adjoints, Ndlr) élus qui ont pris fonction.

Nous dirons tout simplement que d’abord la population doit être dans un état de satisfaction parce qu’elle a des organes élus qui sont une émanation de sa volonté. Ça c’est le premier élément. Le deuxième, comme nous avons mis les 32 ans à dire à la population que dès que les élections auront lieu, le bonheur viendra dans sa localité, aujourd’hui elle l’attend. Comment nous allons faire pour que nous soyons heureux, parce qu’on a dit que dès que nous allons faire les élections locales, nous serons heureux. Voilà, c’est le point d’interrogation qui est là. La population s’interroge : est-ce que c’est vrai ou faux ? Maintenant, ça devient alors une responsabilité des maires et des conseils élus qui seront dans l’obligation, le devoir de définir les axes de développement dans chacune des communes en tenant compte des réalités du terrain et des disponibilités en ressources humaines et financières. La population attend des actes concrets pour évaluer les gens qu’ils ont envoyés en mission.

Un mot de fin ?

L’efficacité vient du renforcement des capacités. Si les maires veulent être dynamiques, performants, il faut le professionnalisme, donc il faut qu’ils renforcent leurs capacités, d’abord eux-mêmes maires. En la matière, il ne faut pas croire que je suis déjà un cadre supérieur de parti politique ; il leur faut l’humilité et accepter apprendre. Deuxième chose, il faut qu’ils mettent en place des équipes dynamiques parce que dans une commune, il y a différentes commissions. Ils peuvent même recruter des compétences pour les aider en mettant les structures communales sur pied. Troisième axe, ils doivent aller vers les citoyens. Il faut qu’ils organisent des réunions thématiques. J’appelle réunions thématiques, des rencontres avec les opérateurs économiques, les propriétaires de maisons parce qu’il y a le foncier, les enseignants du primaire, de la maternelle, de l’alphabétisation… Il faut qu’ils fassent un effort pour être en phase quels que soient leurs préjugés avec les chefs cantons et les chefs de villages de leur ressort territorial. Il faut qu’ils aient des discussions, échangent. Bref ils doivent avoir des rencontres de partage, d’information et de vision avec les différents acteurs de leur milieu.

Ils doivent également poser un diagnostic participatif par rapport aux potentialités qui existent dans leur ressort. Il permettra de savoir quelle est la part de la jeunesse, des femmes, des acteurs économiques dans la mobilisation des ressources pour les aider à travailler. C’est vrai, l’Etat aura à octroyer des subventions ; mais il ne faut pas qu’ils comptent seulement sur elles pour faire des réalisations. Eux-mêmes, ils doivent en outre, à partir de ce diagnostic, avoir un plan de développement communal. Ce dernier leur permettra de prioriser les actions en accord avec la population ; sinon il y aura ce que j’appelle les mésententes, les incompréhensions. Et quand il y a incompréhensions, il y aura soulèvement. Et quand il y a soulèvement, c’est que ça bloque le développement, leurs actions. Quand ils vont aboutir à ce plan de développement communal, ils peuvent maintenant même mobiliser des ressources externes parce qu’ils savent le volume de mobilisation des recettes locales qu’ils vont faire.

En plus de cela, ils vont faire appel à des partenaires comme la GIZ, les ambassades, les pays européens avec lesquelles ils peuvent faire des jumelages. Il faut nécessairement qu’eux-mêmes soient capables de savoir de combien ils sont capables de mobiliser avec l’appui de la population. Les actions doivent être faites en accord avec la population. Et c’est là où je parle de la définition réelle de la démocratie. Quand on parle du pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple, c’est ça l’expression. C’est-à-dire que tout ce qu’ils vont faire, c’est avec le peuple pour le peuple puisque c’est ce dernier qui les avait élus. Ils deviennent un gouvernement local ou une assemblée locale mis(e) sur pied par la population dans ses intérêts.

Voilà des éléments essentiels qui peuvent leur permettre de s’asseoir, réfléchir, continuer les réflexions ; mais également demander des apports des experts extérieurs qui peuvent les aider à mieux cadrer les choses. Ça peut être des experts togolais ou étrangers. L’essentiel est qu’ils donnent l’impression qu’ils sont préoccupés par les problèmes de la population. Pour qu’ils réussissent, il faut faire une sensibilisation des populations, organiser des conférences-débats, tournées de sensibilisation parce que quand ils vont demander que les gens paient les taxes et les impôts, connaissant notre passé, ça va être un problème, un dialogue de sourds entre les autorités locales et les citoyens. Il faut nécessairement faire des rencontres de sensibilisation pour avoir une vision partagée afin d’avancer.

Source : Letabloid.com