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Bilan de Faure (ACT 2) : Sous le prisme de la culture

Togo - Societe
Existe-t-il une politique culturelle au Togo ? Oui. Mais dans les textes. Et cela traduit la place réservée à la culture sous les 38 ans du père et les 15 ans du fils. Du théâtre à la musique en passant par le conte, les arts plastiques, le cinéma et la littérature, le Togo se laisse distancer par ses voisins. Pourtant, les talents ne manquent pas.
Musique

Les Togolais adorent chanter. Ils adorent aussi écouter de la musique. Un tour dans les bars et sur les radios privées (devenues malgré elles des caisses à musique) pour s’en convaincre. Mais cet art est un véritable « melting pot ». Il rassemble amateurs, professionnels et aventuriers (surtout). Ces derniers excellent beaucoup plus dans la cacophonie. Paradoxalement, les messages obscènes et pervers qu’ils véhiculent sont appréciés par une jeunesse insouciante, frivole. Et c’est à dessein que l’Etat laisse faire.

Ces parvenus en musique contribuent à divertir le peuple en détournant son regard sur le contrôle de l’action publique. Ces chanteurs à deux sous sont en mission pour le pouvoir et financés par les mécènes affiliés au pouvoir. Ce qui a forcément une incidence sur le contenu de leurs messages. Aussi, ils sont les plus sollicités lors des meetings et campagnes présidentielles du régime cinquantenaire.

Au Togo, le pouvoir en place a réussi à diviser les artistes. Il y en a qui ne jurent que par le régime et d’autres, la minorité des artistes engagés (en voie de disparition), qui tentent vaille que vaille d’éveiller la conscience du peuple mais sont censurés par les médias. L’animateur de radio est devenu un satellite du pouvoir en faisant le tri entre les chansons à proposer aux auditeurs. C’est le drame que des Togolais épris de liberté vivent. Ils sont pris en otage par des artistes alimentaires qui, pour des miettes, sont prêts à chanter pour Faure comme au temps des animations populaires sous son père défunt. On voit que rien n’a véritablement changé sous celui qui disait : « Lui, c’est lui. Moi, c’est moi ». Pas de conservatoire, pas de salle concert digne de ce nom sous le règne des Gnassingbé.
Le bilan culturel est bien triste pour ne pas dire catastrophique. Les artistes rangés, obligés de remuer leurs queues derrière le pouvoir en place pour quémander des miettes, vivent misérablement. Ils sont souvent les premiers à supplier les journalistes de consacrer un article sur eux. Il y a un qui s’exhibe en ces périodes électorales et nargue les opposants. Pour le moment, on fait économie de son passé. Mais nous lui rappelons que sa chanson « Adjo » n’est pas de lui. C’est un morceau composé par un autre. Autrement, celui qui se réclame toujours MC (sénile) dans le monde musical togolais aurait abusé de ses fans en s’appropriant une chanson qui n’est pas de lui.
Sur un tout autre plan, la nouvelle génération d’artistes de la chanson avilit l’héritage de Bella Bellow dont elle se réclame pourtant. Selon une anecdote, la diva de la musique togolaise aurait dit ses quatre vérités à Gnassingbé Eyadéma lorsqu’on lui a demandé de chanter pour le dictateur. « Monsieur le Président, quand un artiste se met au service d’un dirigeant, ce n’est ni bon pour l’artiste ni bon pour le dirigeant ; car il coupe le premier des vraies réalités de son pays et transforme l’artiste en un médiocre griot qui n’aura plus d’audience. Un artiste doit avoir la liberté de chanter ce que la vie et son environnement lui inspirent », avait-elle fait savoir au Général. Que reste-t-il de ce courage ? Rien. Si ce n’est de voir des artistes courir derrière l’obole que leur jettent le pouvoir et ses pontes. Ils se contentent des miettes du Fonds d’aide à la culture (au Bénin, ce fonds est de plus d’un milliard) et les jetons que leur verse le Bureau togolais des droits d’auteur.

A la question de savoir pourquoi les artistes rejoignent le régime cinquantenaire qui ne fait rien véritablement pour eux, la réponse est simple. Il y a trop d’aventuriers dans la musique togolaise. Les rares professionnels sont aussi perdus par l’appât du gain facile et les messages qui endorment la conscience de leurs fans. Sans oublier le culte de la personnalité dont se nourrit le régime cinquantenaire et dont les artistes sont les courroies de transmission.

Le théâtre

Cet art n’existe pratiquement plus. Ou du moins, il est joué dans les centres culturels où se rencontrent quelques-uns de ses mordus. Le grand public n’a jamais aussi affiché son désintérêt pour cet art. La faute à la « disparition » du Ballet national. Et pourtant, des années 80 jusqu’au début des années 90, le théâtre togolais était à son âge d’or. Senouvon- Agbota Zinsou, Kangni Alem et bien d’autres incarnaient cet art qui suscitait de l’engouement au sein de la population. La télévision nationale était sa courroie de transmission à travers son émission phare : « Le rideau se lève ». Mais au fil des ans et avec les crises socio-politiques que le pays a connues, nombre de ces dramaturges vont s’expatrier et laisser le théâtre mourir de sa belle mort, faute d’une politique nationale pour sa promotion et sa mise en valeur. Les rares metteurs en scène qui existent dans le pays, sont amenés à solliciter les financements étrangers avec tout ce que cela comporte. La pièce « One coup for Kaiser » en est une illustration du théâtre au pays de Faure Gnassingbé.

Le conte

Les conteurs togolais ont la cote. Surtout à l’extérieur du Togo. Au-delà des frontières de leur pays, le patriarche Sanvee Beno Alouwoisio, le très talentueux Al Sidi, Joseph Bessan, le jeune Markus Soussoukpo sont très appréciés. Ils écument les festivals en Europe et dans la sous-région ouest africaine. Mais à l’intérieur, l’Etat peine à les mettre en valeur. Aucun festival de conte de grande envergure au Togo. Le festival «Mi sé gli looo » d’Al Sidi manque d’être une rencontre de grande envergure comme « festival Yelen » au Burkina Faso, la faute à un manque de financement conséquent. Cette situation oblige les conteurs togolais à vivre « en vase clos », loin des regards du public. Tout comme le théâtre, pour écouter le conte, il faut aller dans les centres culturels destinés les plus souvent aux expatriés blancs. De plus, le conte n’est plus encouragé dans les écoles.

Le cinéma

Il faut saluer l’initiative du jeune Israël Tounou qui s’active à susciter l’intérêt du public pour le 7ème art à travers son émission « Ciné art» . Mais jusqu’à quand ? La question mérite son pesant d’or puisque le projet risque de ne pas aller à son terme. En effet, le rêve du Steven AF, « le Steven Spielberg togolais » s’est visiblement brisé. Jusqu’à une époque récente, il incarnait le renouveau du film togolais à travers ses productions. Mais tout porte à croire qu’il s’est lassé de ne pas être suffisamment accompagné par les autorités en charge de la culture. Les différents ministres qui se sont succédé à la tête du département n’ont pas fait grand-chose pour sortir le cinéma togolais de l’ornière. Toutefois, il y a des cinéastes qui osent avec abnégation se faire un nom dans la sous-région. Il s’agit, entre autres, Roger Gbekou, Joël Tchédré, Anita Afatchao. Auront-ils la force nécessaire pour poursuivre au loin leurs rêves ? Difficile de miser sur l’Etat pour les accompagner. Au Togo, on feint d’ignorer ce que rapporte l’industrie du cinéma. C’est un secteur pourvoyeur d’emplois, mais il est laissé à lui-même pendant que le pays est à la remorque du chômage endémique. Cependant, y a-t-il à s’alarmer du sort réservé au 7ème art dans notre pays ? Pas véritablement quand les salles de cinéma sont fermées et d’autres carrément rasées de terre (Le cas de Cinéma le Togo), on s’aperçoit que la culture est le dernier des soucis du régime cinquantenaire.

Arts plastiques

Son importance n’est peut-être pas perçue des masses qui le trouvent très élitiste. Mais c’est un art consubstantiel à la société. Aucune société ne peut vivre sans l’art. C’est pourquoi les sociétés qui l’ont compris, en ont même fait un outil de domination. Chez nous, les galeries sont rares. Cela témoigne de la place qui est accordée aux arts plastiques. Ils sont relégués au second rang. Le paradoxe, les artistes plasticiens sont reconnus aux quatre coins du monde. Sokey Edorh, Emmanuel Sogbadji, Cham et l’ « ancêtre » Paul Ahyi sont des références au plan mondial, mais négligés dans leur propre pays. Triste. Hormis les fresques qui ornent les murs des rues menant à l’aéroport, aucun grand projet jusqu’alors pour mettre en exergue les plasticiens togolais. Ils sont amenés malgré eux à monnayer leurs talents hors des frontières. Nicolas Martinez Berlanga, l’ancien ambassadeur de la Délégation de l’Union européenne au Togo regrettait ce manque de volonté politique au Togo autour de la culture. Ce constat d’échec l’a amené à « ressusciter » Paul Ahyi à travers le projet « Sur la route de Paul Ahyi ». Mais peine perdue. L’initiative s’est arrêtée dans les jardins de l’Union européenne à Lomé.

Les autres domaines culturels sont à l’image de ceux précités. De la littérature écrite aux patrimoines culturels, la culture togolaise est méprisée par les autorités politiques. Les artistes perpétuent cette méprise à leur égard et ne semblent pas tirer leçon des cas de certains d’eux, comme l’humoriste Gogoligo qui a grillé sa carrière en se mettant au service d’un régime anachronique.