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En Mauritanie, un quartier transformé par ses habitants

Afrique - Societe
Dans le quartier de Dar Naïm, en périphérie de Nouakchott, Caritas Mauritanie, partenaire du Secours Catholique, accompagne les populations pour faire entendre leur voix auprès des autorités locales et améliorer ainsi leurs conditions de vie.
Enclavé, privé de moyens de transport publics, sale et peu sûr la nuit, Dar Naïm était réputé à Nouakchott pour être un quartier pauvre, un point chaud de la capitale. Mais depuis sept ans, ses habitants se mobilisent pour faire changer les choses.

Exemple sur le plan sécuritaire. Avec le soutien de Caritas Mauritanie, les jeunes – qui représentent les trois quarts des habitants – ont fondé “Touche pas à ma sœur”. Cette association sensibilise sur les violences faites aux femmes, et a désormais son siège au sein de la mairie de quartier. « Nous avons même mis en place une cellule d’accueil et d’écoute, avec un numéro de téléphone spécifique », explique Abdel Kader Sy, membre fondateur de Touche pas à ma sœur.

« Avec l’appui de la mairie, nous avons réussi à briser le tabou. Le quartier est beaucoup plus calme le soir, désormais les filles osent sortir après la tombée de la nuit. Et notre mobilisation a permis d’alerter les autorités locales sur ce problème de violence. »

Faire avec les habitants avec pour point de départ leur participation pour améliorer les choses, tel est le leitmotiv de Caritas Mauritanie, dont Yacouba Kissima Tandia est le chef de projet : « On laisse les habitants et les mouvements associatifs libres de choisir les projets qui leur tiennent à cœur, pour ensuite dialoguer avec la mairie. L’action publique y gagne du sens. »


Pour moi, c’est important de faire remonter ce type de problème à la mairie.


Dans un pays où les autorités municipales n’ont pas toujours les moyens financiers de mettre en place des politiques publiques, cette mobilisation de la population est appréciée. Autre action : l’insalubrité. Là aussi, des groupements de quartier se sont créés pour organiser des opérations de balayage tous les quinze jours. Après négociation avec la mairie, ils ont obtenu que cette dernière enlève les ordures collectées.

« J’ai envie que mon quartier soit propre. C’est mieux pour notre santé. Car, par exemple, le sable qui s’accumule risque de bloquer les routes et d’empêcher les femmes enceintes de se rendre au centre de santé pour accoucher. Pour moi, c’est important de faire remonter ce type de problème à la mairie », déclare Khadijetou Sow, jeune femme de 27 ans.
vivre ensemble

« C’est notre devoir de nous impliquer pour améliorer la vie à Dar Naïm et sensibiliser les habitants à ne pas jeter les ordures dans la rue », estime de son côté Fatimatou Mind Saïd, autre habitante du quartier. Les associations de jeunes ont par ailleurs créé des événements sportifs comme la “coupe du maire”, une compétition de football qui fédère le quartier des mois durant.

« Dar Naïm, désormais, se pacifie. La mobilisation active des citoyens a amélioré le vivre-ensemble entre les quatre ethnies différentes qui composent le quartier », observe Yacouba Kissima Tandia, de Caritas Mauritanie. « Les gens ont pris conscience qu’ils vivent dans un même lieu qu’il faut transformer pour qu’il y fasse bon vivre . Je remarque qu’ils adressent plus facilement leurs réclamations aux autorités municipales. »

Signe de la réussite du projet, cofinancé par l’Agence française du développement (AFD), la mairie fait désormais attention à prendre en compte la volonté des habitants. Ainsi, elle a demandé aux associations de parents d’élèves combien d’enfants étaient issus de familles défavorisées afin de leur apporter une aide. « La participation des communautés, conclut Yacouba Kissima Tandia, est désormais un fait acquis dans le quartier. »


« Il faut se “frotter” à ceux qui décident »
Le regard de Benoît-Xavier Loridon, directeur de l’action et du plaidoyer international au Secours Catholique.

Cet exemple mauritanien nous montre qu’on peut changer les choses à l’échelle d’un territoire à condition d’agir à plusieurs (on est multi-acteurs) et de collaborer avec les autorités locales. À titre d’exemple, ici, la municipalité de Dar Naïm prend en compte le fait que les jeunes veulent améliorer la sécurité du quartier. On est dans du concret : on renforce le pouvoir d’agir, la participation réelle des communautés via des actions précises.

Il est possible aussi de mobiliser des communautés à travers le plaidoyer. Par exemple, notre partenaire en Colombie, Caritas, a soutenu des leaders de communautés indigènes dans des revendications qu’ils sont allés présenter aux candidats aux municipales en 2019 – droits fonciers, amélioration des services publics comme la santé ou le transport… Un suivi a eu lieu. Cela a eu pour effet de rendre les élus redevables vis-à-vis de la société civile.

Au Secours Catholique, dans les pays où nous sommes engagés, nous pensons qu’il est important de se confronter au pouvoir politique pour faire évoluer les processus de décision sur un territoire. Seul, on ne fait rien, il faut agir à plusieurs et avec les décideurs. La mobilisation citoyenne permet de faire fléchir certaines institutions. On reste dans une dynamique constructive pour entrer en relation avec les décideurs, voire s’y opposer.

Et on le constate à l’international comme en France : lorsque l’action publique associe tous les acteurs dans ses processus de décision, elle y gagne en légitimité et en crédibilité.