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Togo - Exploitation du phosphate et expropriations des terres à Sagonou (Zio) : Les populations rejettent les propositions unilatérales et posent leurs conditions

Togo - Societe
Le Projet de développement et de gouvernance minière (PDGM) à l’épreuve du terrain. Au moment où les populations du village de Sagonou (canton d’Abobo) ressentent la menace des grues et autres pelleteuses de la Société nouvelle des phosphates du Togo (SNPT) à travers bruits et poussière, le PDGM vient de rendre public un rapport définitif portant sur le Cadre politique de réinstallation des populations (CPRP) dans le secteur minier au Togo. Mais au village de Sagonou dans la préfecture de Zio, la SNPT, à travers deux de ses représentants, tente d’imposer des conditions qui sont loin de répondre aux besoins des populations qu’on veut déloger involontairement.
L’exemple du déguerpissement des habitants de Zéglé a éveillé la vigilance de ceux de Sagonou. Là-bas, les « délogés » regrettent de s’être laissés berner. Les compensations étaient de 750.000 FCFA pour une pièce, 5 FCFA par mètre carré de terre cultivable et par an, aucune viabilisation de l’espace destiné à les accueillir et d’autres insuffisances préjudiciables. Les populations de Sagonou ont été échaudées et ne comptent pas se laisser conduire à l’abattoir, tel des agneaux sacrificiels.

Le PDGM a-t-il produit un rapport sur la réinstallation des populations affectées par l’expropriation pour cause de ressources minières présentes dans des localités au Togo ? Oui.

Les localités-cibles ont-elles été visitées avant production dudit rapport ? Oui.

Sagonou (canton d’Abodo) est-elle aussi concernée par l’expropriation ? Oui.

Mais a-t-il été visité ? Non. La preuve, voici les différentes localités concernées par la visite : Lomé (Bè, 4ème lac), Adétikopé, Davié, Tsévié, Bolou Alokoégbé, Alokoégbé Kpota, Bolou Vavati, Agodéké, Dékpo, Kévé Djogbékopé, Vadomé, Agbadomé, Xédjéné, Nyidjin, Agbélouvé (Amélékpé), Afoudoodalitémé, Gamégblé, Gamé Kové, Goumoukopé, Gapé Amékpé, Kpélé Akata (Kanan), Adéta, Kini Kondji, Hahotoè, Akoumapé et ses environs, Dagbati, Abobo Zéglé, Lonfoloko, Azafi Klébè, Pagala village, Djiguina, Agbandi, Kolina, Kéméni, Kpangalam, Nadjoundji, Timbou, Agbandaoudè, Elimdè, Boadè, Natchiboré. Or, les travaux d’excavation sont désormais à moins de 400 mètres de ce village.

Une équipe de la société civile composant le Comité de Pilotage de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE-Togo) dont le journal LIBERTE a effectué le 13 mai dernier une visite de terrain pour toucher du doigt les informations selon lesquelles la SNPT aurait prévu de raser ce village dans les mois et années à venir, le village ayant son sous-sol renfermant aussi du phosphate. Actuellement, les travaux se déroulent à Zéglé. Et après Zéglé, ce sera le tour de Sagonou. Mais ces informations font état de ce que les communautés n’auraient pas été consultées. Une situation contraire à la Norme ITIE.

Face à la situation du village, un comité pour la délocalisation de Sagonou a été mis sur pied. Le 13 mai 2020, nous avons rencontré des représentants du village dont le président de la jeunesse, les chefs de quartiers et du CVD (Comité de développement du village), et le régent du village. Dans les interventions de M. Ablam, représentant du quartier Zogbedji Togneviadji, il est apparu que s’il est vrai que le dessus de la terre appartient au propriétaire, mais pas le dessous, il n’en demeure pas moins que la délocalisation devrait être le fruit de la concertation après discussions. Mais à l’en croire, les émissaires de la SNPT dont messieurs Kékéli et Mivédor n’ont jamais pris de temps de discuter avec eux. Tout ce qu’ils se sont bornés à faire est de leur montrer leur un premier site de relocalisation, le premier site entre 2013-2014 et le second site, en 2019. Un troisième site a été promis aux populations, mais à ce jour, n’est pas encore effectif. Seulement, une chose est de vouloir délocaliser des populations vers d’autres sites, une autre est que ces sites se prêtent à une délocalisation convenable. Car, il nous revient que le second site serait inapproprié à une délocalisation, de par la configuration du lieu. Au lieu dit Hagblenou, le site ne semble point adapté. Mais à côté de la problématique des lieux de réinstallation, se pose le problème des compensations. Les populations seront-elles délogées contre des compensations dérisoires ? C’est en tout cas la situation qui se profile à l’horizon et contre laquelle les populations sont vent debout.

Les habitants de Sagonou ne veulent absolument pas être « mangés à la sauce » Zéglé où les populations ont été lésées. Le premier recensement des habitations dans le cadre de la délocalisation de Sagonou a eu lieu en 1998 avec un nombre déterminé de cases d’habitation. Mais en 2011, un second recensement a eu lieu, où 1130 cases avaient été comptabilisées. Humainement parlant, serait-il concevable qu’en 2020 ou dans une année prochaine, la SNPT se décide de procéder aux dédommagements sans plus procéder à un décompte des cases, surtout que depuis 2011, soit 9 ans déjà, des jeunes ont grandi, d’autres sont rentrés au village et ont érigé des cases pour y séjourner ? A en croire le porte-parole Ablam, appuyé par les autres villageois présents à la rencontre du 13 mai, c’est ce à quoi les sieurs Kékéli et Mivédor de la SNPT veulent contraindre les habitants.

Autre situation jugée incongrue par les populations, les contreparties des terres et des cases. Toujours selon le porte-parole, la SNPT pense imposer ce qu’elle a fait dans le village voisin de Zéglé. En effet, là-bas, les populations avaient été lésées : le mètre carré de terre cultivable était arraché contre 5 FCFA par an ; les constructions en banco étaient évaluées à 750.000 FCFA la pièce ; les populations n’auraient pas été consultées.

Le 25 novembre 2019, une invitation avait rassemblé les responsables du village et la SNPT. Le chef du village aurait été sommé de signer un protocole d’accord de déguerpissement par les sieurs Kékéli et Mivedor. Mais à leur grande surprise, le chef avait demandé à s’en remettre à la décision des villageois avant toute signature. Une seconde invitation avait regroupé les responsables autour du préfet du Vo qui, toujours selon les dires des personnes présentes, s’étonnait du fait que les porte-parole des villageois aient refusé de signer le protocole de déguerpissement. Il lui aurait été répondu que le chef du village n’a jamais assisté à une réunion qui livre le village à la SNPT. Malgré l’insistance du préfet, rien n’y a fait.

La rencontre s’est soldée par des revendications auxquelles la SNPT devra répondre avant tout processus de déguerpissement : La réévaluation du mètre carré de terre cultivable à 150 FCFA ; le minimum pour une pièce en banco devra être de 112.000 FCFA le mètre carré ou globalement 1,5 million FCFA au minimum afin d’ériger des pièces en dur et non plus en banco sur le nouvel emplacement ; les cases nouvellement construites devront être comptées et ajoutées à l’existant ; une politique de viabilisation du nouvel emplacement qui devra comporter un centre de santé, une école, une adduction en eau, un marché, pour ne citer que ces urgences indispensables à la vie communautaire.

Si, comme le précise le rapport, « le présent Cadre de Politique de Réinstallation des Populations (CPRP) est élaboré pour anticiper sur les impacts négatifs des futurs investissements dans le secteur minier sur les conditions de vie des personnes susceptibles d’être affectées par la réalisation de ces investissements », et si l’objectif ayant sous-tendu la production dudit rapport est « d’identifier et d’analyser les impacts sociaux potentiels de la mise en œuvre du projet PDGM et de tout investissement minier typique d’exploration et d’exploitation, surtout les impacts relatifs à la réinstallation involontaire et à l’acquisition de terre et d’élaborer un cadre pour sa gestion », le village de Sagonou se présente comme un test grandeur nature aux initiateurs du PDGM. Surtout que le rapport précise que le cadre de réinstallation involontaire englobera les activités minières à toutes les échelles.


Godson K. / Liberté Togo