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HOMMAGE au confrère Jean-Pierre Jean Jo

Togo - Societe
Ma vie avec Jean- Pierre ! La mort est le dernier mot du destin.
Paul Claudel dans son Journal, Tome II, écrivait que « La mort est une formalité désagréable, mais tous les candidats sont reçus ». Pourquoi alors tous les candidats sont reçus sans exception ?

Que le monde est injuste !

Voilà plus d’une semaine que je n’ai plus de tes nouvelles. Où es-tu, mon ami ?

Depuis au moins douze bonnes années, ce n’est pas le cas. Si tu n’as pas besoin de moi, moi forcément, je dois avoir besoin de quelque chose de toi.

Depuis plus d’une semaine, il m’est difficile d’admettre que mes échanges avec toi se soient arrêtés et brusquement !

Jean-Pierre Jean Jo, nous ne sommes pas nés sous le même toit, mais le sort de la nature a décidé que plus d’une décennie, nous passions le plus clair de notre temps ensemble.

Le mercredi 03 octobre 2018, tôt le matin lorsque ton numéro s’affichait sur mon téléphone, je me disais en moi que mon ami ne peut pas m’appeler à cette heure-là. Toi et moi, nous nous connaissons dans nos habitudes. Tout au moins allais-tu m’envoyer un message à l’avance.

J’ai donc hésité à décrocher ton appel, que dis-je, un appel venant de ton numéro puisque pour la première fois que nous nous sommes connus, ce n’est pas toi qui appelais avec ton numéro. Mais lorsque ton numéro s’affichait sur mon téléphone avec insistance et suivi d’un autre numéro qui m’est inconnu, j’ai réalisé qu’il y avait une urgence mais pas forcément ta mort puisque tu n’étais pas souffrant. J’ai préféré rappeler le numéro inconnu. Au bout du fil, c’est ton frère cadet Kossivi.

Sans protocole, ton frère me demanda de passer chez toi à Sanguéra. « Mon frère, y a-t-il un souci ? », lui ai-je lancé. Il a hésité un temps mais sur mon insistance, il a lâché la phrase assassine : « Jean-Pierre n’est plus ». Quoi ? Il a eu quoi ? J’allais crier quand je me suis aperçu que mon ami est trop connu et impliqué dans ma famille pour que cette information foudroyante puisse passer à cette heure précoce de la journée. Mon sang n’a fait qu’un tour.

Dans ma vie, je ne me rappelle pas avoir été autant touché par un événement aussi dramatique.
Un tour rapide à ton domicile, où on m’a fait savoir que tu t’es écroulé la veille autour de 19 heures, à la fin d’une séance de prière dans la maison d’un voisin que tu m’as présenté le 22 septembre dernier à l’occasion de l’anniversaire de ta fille Dorcas.

Incroyable ! Une séance de prière le mardi 02 Octobre au cours de laquelle tu as été désigné pour la lecture des versets bibliques à travers ton téléphone.

« La mort est si habile et si rapide à se glisser dans l’homme et dans tout ce qui lui appartient, qu’elle profite de la moindre fissure pour s’établir tyranniquement dans les endroits secrets où l’on pensait que jamais elle ne pourrait pénétrer » Maxime Du Camp (Les forces perdues, 1987).

Qui peut imaginer une tragédie pareille en ce lieu précis où tu as d’ailleurs fait passer tes projets en prière ? Oui, tu avais demandé quelques minutes plus tôt qu’on prie pour tes projets futurs.
Mon ami, tu n’étais pas préparé pour partir dans de telles circonstances.

Jean-Pierre, as-tu pensé à ton épouse Félicité qui venait de t’accompagner jusqu’au portail de ton voisin pour cette séance de prière fatale ?

Jean-Pierre, as-tu pensé à ton fils Arias qui ne te quittait d’aucun pouce ? Et sa sœur Dorcas qui n’a que deux ans ?

Jean-Pierre, et ton neveu Gilbert que tu as fait venir pour mieux t’occuper de lui ? Et les frères et sœurs ?

Et ta mère ? Et ton père ? Et nous tes proches et amis ? Tu nous lâches comme cela sans un seul mot ? Que vais-je dire à mon fils Arsène s’il demandait qu’on aille chez mon ami comme il a déjà commencé ? Oh que c’est cruel !

Mon ami, que vais-je dire à nos enfants et à nos épouses, aux dates d’anniversaire en l’occurrence le 19 Janvier, le 30 Juillet, le 24 Septembre et le 16 Novembre ? Que suis-je désormais seul parmi eux ? Non, ce n’est pas comme cela qu’on le faisait.

Te rends-tu compte que la plupart des coins que toi et moi fréquentions à deux pour changer d’air et approfondir nos réflexions sur l’ensemble de nos activités professionnelles et privées, surtout nos projets de substitution, deviennent des lieux hantés pour moi désormais ?

Casablanca, Attiégou, Sanguéra, Avédji 4ème Zone, Lomégan, Bè-Kpota… tous des coins hantés !

Depuis deux ans, tu t’es un peu décalé de moi et je devais me rapprocher de toi incessamment, te voilà loin, très loin désormais, accentuant gravement mon isolement. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi mon ami ?

De mon jeune âge, j’apprenais qu’il y a des deuils qu’on porte à vie. J’imagine, je devine, je m’aperçois que c’est le cas avec ta brusque disparition. Du coup, je me demande le sens réel de la vie si on peut se séparer de cette façon-là. Pourquoi allons-nous nous engager dans des tracasseries à n’en plus finir ?

Je retiens que nous devons nous aimer les uns les autres. Nous devons nous évertuer à ne faire que du bien pendant que nous avons encore quelques souffles de vie en nous.


Mon ami, je sais que si la faucheuse t’avait laissé un temps pour décider, tu allais certainement lui dire d’attendre un peu. A 46 ans, tu n’as encore rien fait ici-bas.

De nos échanges au quotidien, j’ai constaté que tu n’as pas digéré la disparition tragique de ton frère jumeau Jean-Paul en 2013 en Sierra Léone.

Le départ inattendu de ta sœur aînée Lucia à Abidjan l’année dernière en a rajouté une couche supplémentaire de chagrin. Mais c’est la vie, nous en parlions au point que tu t’es résolu à accepter ces trous d’air dans ta vie.

La vie continue.

Mes derniers instants avec toi ne présageaient aucunement d’une tournure aussi dramatique. En dehors du cadre professionnel, nous nous sommes retrouvés le samedi 22 septembre à ton domicile pour l’anniversaire de ta fille Dorcas où nous avions discuté de tout et de rien.

Peut-être ai-je mal perçu le mauvais présage. Le samedi 15 Septembre 2018, nous devions nous rendre à Agbodrafo pour la finale du tournoi YakaOkè. Tout est calé mais la veille tu me faisais savoir que tu as fait un cauchemar selon lequel tu as été victime d’un accident. Je t’avais dissuadé que parfois ce sont des manifestations de paludisme non traité.

Malgré mon insistance, pour une rare fois, tu n’as pu effectuer le déplacement. J’y suis allé avec Romuald que tu m’as confié. Est-ce de cet accident que tu me parlais ?

Que c’est affreux !!!

Ma rencontre avec Jean-Pierre

Cela remonte à 2003 à la Radio Avenir par l’entremise de Prosper l’Allemand. Jeune étudiant, je m’intéressais à la profession de journalisme.

Nos relations se sont renforcées à la Radio Victoire avec la création de l’émission « Fou de Foot » le 7 novembre 2006.

Là, on devait se voir au moins de lundi à vendredi pour servir autrement l’actualité sportive entre 13h30-15h.

A Ouagadougou en 2007, lors de la première édition du Tournoi de l’UEMOA où nous avions passé un mois loin de notre base habituelle, cela a été une autre étape de notre parcours. Le sobriquet de « Camara Sy » qu’on se donnait, est venu de cette aventure ouagalaise. Il s’agit d’un cordonnier guinéen qui nous faisait rigoler chaque soir et qui nous avait énormément marqué par sa touche d’humour. Abidjan, Accra, Cotonou, on a fait le tour plusieurs fois ensemble.

J’ai appris à découvrir davantage la grande dimension de l’homme, Jean-Pierre Jean Jo « le Bajo le Father du Tableau Noir » à travers les secousses qui ont failli changer la ligne directive de l’émission « Fou de Foot ». Son intégrité, sa probité morale et son degré d’adaptation aux situations compliquées nous ont permis de faire face aux bourrasques et maintenir à flot l’émission.

Comme pour défier ceux qui sont gênés par le contenu de l’émission, Jean-Pierre lançait « même après l’accident d’un avion, la boîte noire reste », une manière de signifier que tant que le noyau dur de l’équipe de « Fou de Foot » est intact, plus rien ne nous arrivera.

Je fais partie modestement de cette boîte noire tout comme Innocent Agblewonou, le Chef Desk Sport de Victoire Fm.

Je me dois de rappeler également qu’en 2010, après avoir été sanctionné pour six mois par la Direction de la Radio pour des reproches liés à l’émission « Fou de Foot », Jean-Pierre m’a confié qu’il allait quitter la Radio. J’ai passé plusieurs jours à le convaincre de rester. En 2016, je devais rejoindre Pyramide Fm. Il m’a fait savoir qu’il est temps de laisser tomber « Fou de Foot ». Là encore, je lui ai fait savoir que ce n’est pas possible car un bon leader c’est celui qui sait assurer la relève.

Cette émission reste notre marque déposée. C’est notre identité, c’est notre histoire. A la suite de mes propositions concrètes validées par la Direction, l’aventure continue. Bien plus aujourd’hui, c’est une obligation pour nous de préserver l’émission « Fou de Foot ».

Un autre pan de notre histoire. Jean-Pierre m’a accompagné depuis huit ans dans l’organisation du Tournoi de Football dénommé Tournoi de la Révélation à Atikpamé. Mon ami, c’est aussi le don de soi.

Nos relations ont dépassé le cadre professionnel. On est finalement devenu des frères tout court.
Nous avions mené des projets parallèles dont la culture du maïs à Zéglé. Nous noyions nos temps perdus parmi les arbustes de Zéglé.

Mon frère et ami, je garde de toi l’image d’un homme honnête, intègre, dévoué avec un sens d’écoute extraordinaire. Je garde de toi ton sens d’humour et ton abord facile à l’origine de nombre de nos relations. Je ne me rappelle pas avoir ri autant avec une autre personne dans ma vie. Des témoignages autour de ta personne sont unanimes sur tes qualités d’homme de parole.

A l’heure de cette douloureuse séparation, je fais le serment de ne jamais t’oublier. La prochaine édition du tournoi de la Révélation portera ton nom.

Je souhaiterais également que tous ceux qui t’ont connu et aimé, tous ceux à qui tu as rendu service dont je connais d’ailleurs la plupart n’oublient pas que tu as laissé derrière une veuve et deux petits enfants.

Jean-Pierre, « Allié », « Mon ami », « Camara Sy », je ne sais plus si je dois te dire au revoir.

Que ton âme repose en paix.

Ton frère et ami Honoré ADONTUI

Source : Le Correcteur N°841 du 11 Octobre 2018